Saint-Nicolas du Chardonnet, un refuge catholique pour l’extrême droite
par Alexandre Glaser
En l’espace de 2 mois, la question du nazisme et du négationnisme a refait surface, et ceci fut le fait de plusieurs événements récents : la déclaration de Netanyahu a suscité une certaine polémique[1] alors qu’on l’accusait de minimiser la responsabilité d’Hitler dans le génocide, d’une part, et d’autre part, la publication d’une édition critique de Mein Kampf, n’a pas manqué de raviver le débat sur le liberté de publication. C’est le dernier événement qui doit retenir notre attention : derrière cela se cache la question plutôt sensible de la pénalisation de l’opinion : a-t-on le droit de tout dire ? Et c’est là que ca devient tendu parce qu’on aurait tendance à répondre que oui, que nous sommes seuls responsable de nos dires blablabla. Et cet argument tient jusqu’à ce qu’on aille faire un petit tour dans le 5ème, du côté de Maubert-Mutualité (le dimanche midi à tout hasard) dans l’église de Saint-Nicolas du Chardonnet.
La brève histoire de cette église assez hardcore
Là aussi, cela devient plutôt technique d’écrire dessus : comment faire pour critiquer cette église peuplée de psychopathes en tout genre sans passer pour un athée sommaire ? Le fait est que quand on aborde le sujet de SNC (pour les intimes), il suffit d’avoir un peu de bon sens pour se rendre compte à quel point beaucoup des croyants qui la côtoient sont tout sauf catholiques, tout sauf en mode « aime ton prochain » (beaucoup hein, pas tous). Déjà, fun fact : théoriquement l’Eglise ne devrait pas être occupée et ce depuis 1977[2]. Le Concile de Vatican II qui entendait moderniser l’Eglise (fin de la messe en latin, le prêtre se tourne vers les fidèles pour prêcher et ne leur fait plus dos etc.) devait être adopté par les différentes paroisses ou fraternités si celles-ci voulaient demeurer dans l’Eglise Catholique, et ce qui rend SNC si particulière, c’est qu’ils ne l’ont jamais accepté. En y allant, j’ai récupéré une brochure dans laquelle ils donnent un avis sur Vatican II (c’est quand même un délire parce que Vatican II date de 1963, donc ils en sont restés là…) : leur messe à eux (en latin) remonte « au IVème siècle (et est), le canon, la pierre centrale, de la messe, remontant à l’époque de Saint-Pierre ». En bref, ils revendiquent n’avoir pas évolué depuis le IVème siècle…
Mais ça, à la limite, ce n’est rien…
Des religieux traditionnalistes, ce n’est pas ce qui manque. Mais il y a un petit truc en plus à SNC : la « Fraternité sacerdotale de Saint-Pie X » est très en lien avec des courants dangereux de l’extrême-droite française. Rivarol[3], journal pétainiste bien connu de la droite négationniste, est en vente tous les dimanches matin après la messe (en latin toujours). On trouve sur la rambarde devant l’Eglise, ces mêmes dimanches matin, une petite brocante de livres : aux côtés de livres sur l’histoire de l’Eglise se trouvent, bien dissimulés quand même (il faut fouiller un peu s’ils n’ont pas disparu achetés par des négationnistes en manque de haine) les œuvres de Faurisson (dont la publication est interdite). Après une petite messe en latin, histoire de se détendre les nerfs, certains croyants de SNC rentrent faire une petite lecture dominicale des œuvres de négationnistes, de Rivarol ou de Minute, avant de prendre leurs calmants et de retourner aux vêpres du dimanche soir, toujours à SNC. Là où c’est plus angoissant encore, c’est lorsque l’on interroge ou que l’on écoute les conversations de ces mêmes individus, au café du coin (un café par ailleurs très sympathique, avec une grande terrasse mais où la pinte est à près de 10 euros…), le Saint-Victor. Ils ne se cachent pas de leurs opinions et j’ai eu une fois l’opportunité de « m’entretenir », enfin de débattre, avec un type qui m’expliquait à quel point la craniométrie était une science rigoureuse (le principe de la craniométrie, qui remonte au XIXème, revient à faire des études sur des crânes pour en déduire des conclusions plus absurdes qu’autre chose sur une prétendue infériorité des femmes, des noirs, des arabes, des juifs etc.)[4], combien la Shoah n’était qu’un événement mineur de l’histoire.
Robert Faurisson
En bref, il y a deux choses particulièrement inquiétantes dans la simple existence – ou survivance – de cette église : d’abord qu’elle soit si pleine si souvent et ensuite que personne ne fasse rien. La croisade républicaine de Valls qui s’attaquait il y a peu au FN au nom des valeurs consensuelles qui constituent le socle de la République, ne s’est jamais traduite par des mesures concrètes contre ce genre de lieux abritant notoirement des négationnistes. Les diverses poursuites contre SNC ou des membres liés à celle-ci n’aboutirent jamais, comme si être négationniste n’était pas un problème. Qu’attend-on au juste ?
[1] Sur cette question : http://www.lefigaro.fr/international/2015/10/21/01003-20151021ARTFIG00396-vive-polemique-apres-les-propos-de-netanyahou-sur-la-shoah.php
[2] Ceci est précisé dans la page wikipédia de SNC : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Saint-Nicolas-du-Chardonnet
[3] Dans l’article wikipédia, à la fin est précisé un certain nombre de polémiques que le journal a rencontrées : https://fr.wikipedia.org/wiki/Rivarol_(magazine)
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Craniom%C3%A9trie : une idée du délire