Posted in Interviews, Portraits
4 novembre 2015

Bret Easton Ellis

par Albane Dailler

« Le sujet de mes livres, c’est une culture qui me dégoûte, et un monde qui donne de la valeur à ce qui n’en a pas. » 

Vous connaissez sans doute le film culte American Psycho, mais en connaissez-vous l’auteur ?

Né le 7 mars 1964 à L.A, Bret Easton Ellis a grandi à Sherman Oaks dans la vallée de San Fernando. Alors qu’il étudie la musique au Bennington College de Vermont, il publie son premier roman, à vingt ans seulement : Moins que Zéro. Cet ouvrage au thème dérangeant, va connaître un succès phénoménal. On découvre au fil des pages la vacuité de la vie de Clay et de toute sa bande de gosses de riches. Ils passent leurs vies entre bars et hôtels de Los Angeles, noyant leur ennui dans le sexe et la drogue. Ils n’ont plus de désirs à proprement parler, et ont parfaitement conscience de la futilité de leur existence. Le style brut et épuré de ce roman, sa lenteur, transmettent avec brio au lecteur la grisaille du quotidien de ces jeunes perdus.

En 1987, BEE quitte Los Angeles pour New York où il va rencontrer Jay MacInerney, Jill Eisenstadt et Tama Janowitz, trois écrivains avec qui ils forment « The Literary Brat Pack ». Ensemble, ils profitent de la vie nocturne New Yorkaise en compagnie des « yuppies » de Wall Street. Les discours de ces derniers, qui lui semblent vides de sens, et le caractère immatériel de leur profession suscitent la fascination de l’auteur, et vont lui inspirer son roman culte American Psycho, dans lequel il relate la vie de Patrick Bateman. Riche, bien placé, intelligent, beau, il est aussi homophobe, misogyne, raciste et déteste les animaux. Entre ses soirées dans les boites huppées, ce psychopathe totalement déshumanisé délire, viole et tue. Au fil du récit, relaté à la première personne, la folie du personnage principal ne cesse de prendre de l’ampleur jusqu’à la célèbre scène finale que l’on s’abstiendra de décrire pour ne pas spoiler le lecteur qui souhaiterait lire le bouquin sans savoir comment il se termine.

 

Du fait de l’épouvantable violence des scènes décrites froidement, mais aussi de la prédominance de la pornographie, ce roman polémique fit scandale. L’éditeur Simon & Schuster refusa même de le publier. C’est peut-être aussi pour ça qu’il fut un véritable succès : il se vendit à plus d’un million d’exemplaires et fut adapté au cinéma par la réalisatrice Mary Harron, avec Christian Bale dans le rôle de Patrick Bateman.

À seulement 27 ans, Bret Easton Ellis avait déjà écrit deux romans qui resteront cultes. Traduits dans plus d’une trentaine de langues, ils constitueront une source d’inspiration pour de nombreux auteurs contemporains du monde entier.

Alors qu’il se veut moraliste, critique à l’égard de cette culture du divertissement, symbole des années 80, il est en fait confondu avec ses personnages dépravés. Par la suite, il va mettre plus de huit ans à rédiger un nouveau roman. Occupé à éponger les dettes que lui laissa son père à sa mort, il publiera tout de même pendant cette période un recueil : The Informers. Il publie finalement Glamorama en 1999, traitant du milieu de la mode et du show-business. Son avant-dernier roman, Luna Park (2005) détonna car il allait à l’encontre de tout ce qu’il avait pu écrire auparavant. Dans ce roman autobiographique, il y règle ses comptes avec son défunt père, avec les non-dits de son enfance, mais aussi avec son succès. S’il pensait que ce serait son dernier, sa dépression l’amena à écrire Suite(s) Impériale(s).

Encensé et critiqué, il est surtout un auteur incompris par le plus grand nombre, et peut-être par lui-même.

“J’ai du mal à les ouvrir. J’aimerais réécrire tous mes livres.”