21 février 2018

HeForShe – L’action étudiante au cœur du changement

“Aujourd’hui nous lançons une campagne nommée HeForShe. […]. Nous voulons mettre fin à l’inégalité de genre, et pour cela la participation de tous est indispensable. […] Nous souhaitons mobiliser autant d’hommes que possible afin qu’ils militent pour l’égalité des sexes. Mais au-delà du discours, nous voulons obtenir des résultats tangibles.” Par ces mots Emma Watson, ambassadrice d’UN Women, initie en 2014 la campagne HeForShe dans le cadre d’un discours au siège des Nations Unies. Année après année le pari est tenu et c’est maintenant plus d’un milliard d’actions engagées dans le monde qui viennent soutenir le mouvement. Par actions entendons des campagnes de sensibilisation, l’organisation d’événements soutenant l’égalité des sexes ou encore l’instauration de simples débats. Quel est le lien entre une campagne mondiale et ce que nous pouvons vivre en études supérieures me direz-vous ? Il semblerait que ce mouvement en inspire plus d’un.e, avec pour même point de départ le constat irrévocable de l’omniprésence du sexisme.

Une véritable success Story

Issue d’un milieu khâgneux assez féminisé, Violette Gresser intègre il y a 3 ans Neoma Reims. Frappée par le climat sexiste dans lequel elle évolue, les comportements déplacés durant sa campagne BDA, et les remarques du type « j’en ai marre de me faire tripoter dès que je vais en soirée », elle décide de s’investir personnellement et de militer avec un groupe d’étudiants partageant les mêmes valeurs en créant une antenne HeForShe. Reprenant la même charte graphique que l’ONU cédée par UN Women, elle entame alors une campagne de sensibilisation loin des clichés habituels. En effet, plutôt que de noyer la communication dans un sérieux inébranlable elle décide au contraire de capter l’attention à travers l’humour. Fleurissent ainsi des vignettes humoristiques qui dénoncent certaines asymétries au sein de l’école, du prix discriminant des boîtes de nuit à la zone grise en soirée, le but étant de nourrir la réflexion étudiante en éloignant les stéréotypes. Les étudiants se prennent au jeu et se mettent eux-mêmes à dénoncer les comportements sexistes à coup de “ce n’est pas très HeForShe”, c’est dire le succès de cette initiative.

Le public étudiant conquis, l’enjeu est ensuite de créer un lien avec l’administration, qui possède déjà une cellule d’écoute contre le harcèlement. L’association permet de repérer certaines situations d’harcèlement sexuel et de les faire remonter à l’administration, qui met ensuite en place une sanction corrective. Ce rôle d’intermédiaire s’est révélé primordial en ce que les étudiants, souvent inconscients de leur statut de victime ou d’agresseur, peinent à s’exprimer auprès de l’administration et se tournent plus volontiers vers l’association qui les aide alors à parler et à entreprendre les démarches nécessaires. Les résultats ne tardent pas à se faire ressentir, les étudiants débattent, les militants contre le sexisme se multiplient, l’administration de l’école s’investit davantage dans la lutte contre les abus.

Pari réussi. En parallèle Violette décide de voir plus grand et de faire ouvrir une antenne HeForShe à Rouen, non sans difficulté, et de réunir les antennes déjà existantes dans d’autres établissements (parfois hors école de commerce) dans le but de créer une véritable fédération nationale. Afin d’assurer sa pérennité, les étudiants représentant les différentes antennes participent tous les ans au sommet HeForShe au cours duquel ils partagent leur expérience et réfléchissent à certaines thématiques liées au sexisme. Néanmoins l’objectif reste que chaque antenne puisse s’adapter à la réalité du terrain tout en participant à une émergence horizontale des idées. L’administration est également visée par la fédération qui cherche à l’impliquer administrativement dans l’égalité homme-femme. Un tel projet ne pouvant rester sans consécration, le ministère des droits des femmes décide d’attribuer un prix à la fédération dans la catégorie “international” au cours de la journée “400 idées pour l’égalité”. La fédération grandit depuis de plus en plus, gardant en tête ses buts originels concernant le rétablissement du dialogue autour de ce qui arrive aux femmes et du consentement, ainsi que la sensibilisation à plus long terme aux inégalités au travail et aux comportements sexistes en entreprise.

Une association indépendante qui gagne en visibilité

L’association, née d’une volonté étudiante, a d’abord eu du mal à faire intervenir des acteurs extérieurs. En effet, mise à part la possession des droits de la charte graphique de l’ONU, ses liens avec l’organisation internationale étaient ténus. Mais à force de proactivité et de volonté des étudiants, elle se trouve aujourd’hui en plein essor : une représentante d’ONU Femmes France assistera au prochain sommet HeForShe ayant lieu à Paris VII le 17 mars prochain et l’administration de Neoma a choisi de placer le projet associatif au cœur d’un programme d’entreprenariat social. L’initiative a connu d’autant plus de succès que les circonstances extérieures l’y ont encouragée. Si l’affaire Weinstein et le #balancetonporc ont permis de libérer la parole et soulever des réflexions au sein du public français, certains abus en études supérieures étaient encore trop tabous et c’est là que le réseau étudiant de HeForShe a trouvé sa place.

Et maintenant on fait quoi ?

Ce qui se passera dans le monde professionnel de demain commence dans les milieux étudiants, c’est pourquoi chaque établissement doit agir. D’autant plus que ce type d’initiative doit venir du bas dans une logique non-pyramidale pour avoir un réel impact sociétal. Violette le souligne, l’acceptation d’une association luttant pour l’égalité homme-femme en école est longue et difficile, mais une fois que celle-ci est intégrée dans les mœurs, les générations se construisent avec ce projet et ses idéaux.
« A Neoma, HeForShe est devenue l’une des assos les plus populaires » ajoute-t-elle en riant.
Le prochain pas à franchir au sein des universités est un travail d’empowerment : apprendre à dire non, se positionner par rapport à son environnement masculin ou féminin et être conscient du moment à partir duquel survient un abus. Car pour éclaircir la frontière du consentement, seul un effort de d’information et de responsabilisation peut être efficace.

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