La Commune de l’ESCP, insurrection et autonomie
Depuis quelques jours, l’ESCP prend des airs de Commune : l’état d’urgence est proclamé chez la direction de l’école parisienne. Mais point de barricade dans cet environnement feutré, juste une banderole insolente habillant les murs qui donnent sur la paisible avenue de la République. Pour une école de commerce, généralement peu à l’aise dans le costume du manifestant, et où l’image est reine, l’utilisation d’une banderole est un symbole déjà fort.
L’élément déclencheur de cette fronde impressionnante a été la présentation par le gouvernement du projet de loi de finance pour 2017, le dernier du quinquennat de François Hollande. Un projet classique de fin de mandat, avec une augmentation des dépenses, mais qui comporte une disposition qui a fait parler dans les couloirs de la Chambre de commerce et d’industrie.
Mais qu’est-ce qu’une loi de finance ?
Le budget de l’Etat est préparé par le gouvernement qui le soumet chaque année à travers la loi de finance aux modifications puis au vote du Parlement. C’est le principe d’annualité budgétaire qui s’exerce ainsi dans les conditions prévues par la loi organique relative aux lois de finance de 2001, véritable constitution financière.
La présentation du projet de loi de finance correspond donc à la première étape d’un parcours parlementaire qui se conclura par le vote du Parlement pour que ce projet devienne loi.
Or derrière l’application du prélèvement à la source, étendard médiatique de ce cru 2017, le projet de loi prévoit une baisse de 6,7% des dotations accordée aux Chambres de commerce et d’industrie. Cette baisse drastique de 60 millions d’euros s’ajoute aux ponctions étatiques sur les réserves des CCI qui ont représenté 500 millions d’euros en 2015.
Cette chute structurelle des budgets des CCI entraine mécaniquement une hausse des frais de scolarité des écoles de commerce parisiennes : La CCI de Paris Ile de France qui gère notamment 24 écoles comme HEC, l’ESCP Europe, les Gobelins (une école d’animation) ou Ferrandi (une école de cuisine) est concernée à hauteur de 14 millions d’euros par le projet de loi. Cette CCI a d’ailleurs connu récemment un plan de restructuration pour s’adapter à cette profonde dégradation de son paysage économique.
C’est pourquoi la CCI et l’ESCP bricolent maladroitement pour peser sur la négociation parlementaire afin d’enrayer cette dynamique.
Et l’ESCP dans tout ça ?
Les établissements « consulaires » (qui dépendent de la Chambre) cherchent donc d’autres sources de financement pour ne plus vivre sous perfusion des ressources de la CCI. L’ESCP, dont la fondation admet un potentiel de collecte bien inférieur à celui d’HEC, a ainsi fusionné avec l’école de commerce Novancia pour intégrer dans ses campus un très lucratif Bachelor in Management.
Cette décision impulsée par la CCI s’explique par l’autre versant de ce désengagement étatique : les écoles sont amenées à s’autonomiser. La création par le Parlement en 2014 du statut d’Etablissement d’enseignement supérieur consulaire (EESC) constitue une étape importante de cette émancipation.
C’est HEC qui franchit le Rubicon en premier en adoptant ce statut le 1er Janvier 2016. De service extérieur de la CCI Paris Ile de France, elle va devenir une filiale de la CCI dotée d’une personnalité morale et d’un statut juridique. Elle va alors bénéficier d’une autonomie renforcée et de possibilités de financement élargies même si certaines limites sont prévues : la CCI doit garder au moins 51% du capital, les investisseurs ne peuvent pas dépasser 33% et il ne peut y avoir de dividende versé : tout profit doit être réinvesti.
En Janvier 2017 l’ESCP adoptera le statut d’EESC. C’est pourquoi la décision de la fusion avec Novancia a été précipitée par la CCI qui aura dorénavant moins de contrôle sur les décisions de l’établissement : c’est d’ailleurs l’objet du courroux de l’association des alumnis.
Ce statut hybride des écoles de commerce parisiennes repose sur un équilibre fragile qui pose question quant à l’avenir du modèle. Les établissements consulaires vont gagner en marge de manœuvre politique mais ils doivent gérer ce grand virage économique. Le succès de leur marque à l’international va être l’enjeu majeur des années qui viennent pour s’affirmer dans la compétition.
Mais plus que tout, ils ne doivent pas céder aux grands écarts en matière de hausse de frais de scolarité qui menacent directement le coeur de leur attraction et la raison de leur activité.