Parler de l’Islam sans être polémique
par Anouk Le Terrier
Impossible de briller en société sans parler d’Islam aujourd’hui. Cette religion, bien que très ancienne, est aujourd’hui plus visible que jamais.
La question de l’Islam de plus en plus débattue en France sur fond d’amalgame
On entend aujourd’hui beaucoup parler de l’Islam pour deux raisons : d’une part, à cause d’une immigration qui provient, principalement, des pays musulmans, en raison de notre histoire et notre géographie et d’autre part, à cause du vieillissement démographique de notre continent. Il en résulte un multiculturalisme de fait. Par conséquent, certaines tensions ont vu le jour, notamment à propos de la laïcité, de l’égalité homme/femme ou encore de la liberté.
A cela, il faut ajouter l’utilisation récurrente de références à l’Islam par des organisations terroristes qui font preuve d’une violence assourdissante et choquante, au point d’avoir envahi notre espace médiatique d’images atroces. Pour cette raison, l’Islam est inconsciemment assimilé à la barbarie. Les évènements des 7, 8 et 9 janvier 2015 qui ont frappés Charlie Hebdo en France n’ont fait que renforcer cet amalgame. On observe alors une sorte de polarisation entre les « islamistes » et les « antimusulmans », tels deux obscurantismes complices qui s’appuient chacun sur l’autre pour démontrer que l’on ne peut pas vivre ensemble. D’un côté, les chrétiens ne doivent plus être tolérés dans les pays musulmans et d’un autre, les musulmans ne doivent plus l’être dans les pays chrétiens. Telle est l’image d’une société apocalyptique souvent dépeinte par les médias aujourd’hui.
Pourtant, nous savons pertinemment que nous allons vivre ensemble. La République et l’Europe ne peuvent pas abandonner les valeurs qui les fondent. De plus, personne n’aura à renoncer à ses convictions spirituelles. Il est important de le rappeler, c’est justement la reconnaissance et le respect des valeurs de la République qui conditionnent la reconnaissance et le respect des convictions spirituelles. C’est pour cela qu’il faut engager un véritable dialogue pour donner à voir une autre réalité de l’Islam, écrasée aujourd’hui par l’image d’un Islam détestable. Certains médias vont jusqu’à utiliser le terme de « guerre des religions » aujourd’hui. Cette autre réalité n’est ni vraiment reconnue, ni toujours connue. Pour ces raisons, il faut combattre l’ignorance pour parvenir à rétablir l’équilibre spirituel de notre République.
Pour cela, voilà l’argument premier à utiliser : dire qu’il existe un amalgame entre l’image de la religion musulmane et la violence des mouvements radicaux tels que l’Etat islamique. Et cette confusion ne fait qu’alimenter les polémiques actuelles. Pourquoi les français sont-ils de plus en plus nombreux à se convertir à un islam radical ? Dans quelle mesure la France est-elle concernée par ce repli identitaire et communautaire ?
Hannah Arendt expliquait que les personnes attirées par le totalitarisme sont des gens qui ont le sentiment que leur place n’est pas garantie par les autres dans la cité. A-t-on raison d’interdire les mamans voilées à la sortie des écoles ? Que ressentent alors les enfants qui entendent dire que leur maman est « interdite » ?
Le cercle vicieux du repli communautaire et de la logique identitaire
Maintenant, pour répondre au problème, on apporte un élément nouveau, pour être sûr que personne ne puisse vous contre-dire en parlant, bien sûr, de la crise identitaire que connaît la société française de nos jours !
On entend souvent parler dans les médias français de « rupture du lien social », voire du « lien moral ». Or ce contexte favorise l’apparition d’idées communautaristes et d’un intégrisme religieux, car le modèle commun de Nation et de République est fragilisé par les différentes difficultés économiques et politiques que la société française connaît.
Ce n’est pas un hasard si les populations les plus enclines à se tourner vers un islam radical se trouve aujourd’hui dans des zones abandonnées par notre République, où les réponses éducatives proposées par la République française sont inopérantes, avec une justice souvent démunie. Ce brouillage des repères communs favorise le communautarisme. Ces endroits défavorisés deviennent alors des lieux où l’on exalte la transgression des normes et des valeurs collectives, face à un Etat qui ne fait plus autorité. Cette situation est d’autant plus favorisée que notre République défend mal ses valeurs, en flattant une logique identitaire pour tenter d’obtenir la paix sociale. Ces mesures se sont souvent révélées contre-productives, notamment avec les contrôles d’une femme en voile intégrale, à Trappes ou à Argenteuil, qui ont déclenché de véritables émeutes.
La crise identitaire que semble traverser la France aujourd’hui se voit également au travers des confusions et des contradictions qui sont faites dans le traitement, par les responsables politiques et les médias, du phénomène de radicalisation de l’islam.
Comment ne pas voir que ce repli communautaire inquiétant autour de l’islam radical, potentiellement terreau à bien des risques, questionne notre cohésion sociale et notre vivre-ensemble ? On assiste à un développement du voile et de tenues vestimentaires inscrites dans un retour à la tradition, au refus du mélange au-delà de la communauté de croyance nettement affirmée, accompagné d’une relecture littérale du Coran. Ce phénomène n’est donc certainement pas étranger à la situation actuelle en France.
Ce dont il faut maintenant prendre conscience, c’est qu’il s’agit d’un processus enclenché. Chaque religion connaît à un moment donné une période de radicalisation face à l’exigence de s’adapter à la modernité, l’islam semble traverser la sienne. Ainsi, tant qu’il n’y aura pas de modernisation du rapport de l’islam à ses propres références, le danger d’une dérive radicale existera. C’est dans ce sens qu’il faut que l’Etat français s’interroge sur le futur de la communauté musulmane en France. Nous nous devons de lui (re)trouver une place, de rétablir la vérité sur les raccourcis faits sur le Coran et sur l’islam de manière générale – de plus en plus pléthoriques -. D’autant plus que la communauté musulmane est une partie non négligeable de la population française, dans la mesure où il s’agit de la deuxième communauté religieuse en France.