28 février 2018

« Tu l’avais bien cherché »

Été 2013. Parce que ces histoires ne concernent pas toujours que les étudiants de ces grandes écoles de commerce si décriées dont la vie semble souvent se résumer à une succession de soirées plus ou moins alcoolisés, plutôt plus que moins d’ailleurs.

Au début je ne savais pas comment aborder le sujet. Et puis malheureusement, comme je me suis rendue compte que je ne pourrais probablement jamais me débarrasser des souvenirs sordides de cette nuit-là, j’ai fini par poser des mots dessus :

« Viol »

« Je ne voulais pas »

« J’ai dit non »

C’est presque drôle comme l’envie d’en parler me vient souvent au bout de quelques verres maintenant. C’était il y a des années pourtant. D’autant plus que, pendant longtemps, je n’ai pas osé en parler.

Pourquoi ?

Il faut imaginer les réactions de mes amies lorsque, jeune lycéenne que j’étais, je leur ai raconté cette terrible nuit avec ce garçon bien sous tous rapports, largement apprécié et vraiment pas du genre violent. Il ne pouvait pas être le fautif dans l’histoire. Et puisqu’il y a un fautif dans toutes les histoires, c’était moi :

« Tu dis ça juste parce que tu regrettes »

« T’en avais envie c’est sûr »

« Tu l’avais bien cherché »

Ces mots-là, d’autant plus qu’ils étaient prononcés par mes amies les plus proches, m’ont fait renoncer à toute perspective de poursuite judiciaire. Manque de courage ou volonté de tourner la page ? Chacun peut appeler ça comme il veut mais la perspective de me retrouver à essayer de faire peser ma parole contre la sienne près de 5 ans après les faits m’effraie trop.

Alors pourquoi écrire aujourd’hui ?

J’écris aujourd’hui pour dresser ce constat : de tous ceux à qui j’ai raconté cette histoire depuis, aucun n’a remis ma parole en doute. Tous étaient choqués. Pourtant, au moment des faits, aucun de ceux qui le connaissaient ne m’ont crue.

« Impossible, il ne serait pas capable de ça »

« Il avait trop bu c’est tout »

Impossible d’imaginer que son ami soit un violeur, non ? Pourtant, à en juger par le nombre d’histoires similaires que l’on entend, il faut se rendre à l’effrayante évidence : on connait tous un violeur.

Je n’écris pas pour faire peur ou pour dramatiser. Simplement pour qu’une agression ou un viol ne soit plus ignorés parce que l’auteur présumé est « trop gentil » ou « incapable de faire ça ».


Illustration : Louise Hourcade.

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