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29 avril 2021

La réforme de la haute fonction publique : la fin de l’ENA ?

Emmanuel Macron a officialisé le 8 avril dernier la suppression de l’École Nationale d’Administration (ENA) et son remplacement par l’Institut du Service Public (ISP). Défini en 1945, le mode de fonctionnement de l’ENA a très peu évolué depuis plus de soixante-dix ans. C’est pourquoi celle-ci peine désormais à s’adapter aux nombreux défis sociaux, économiques et environnementaux auxquels notre société est confrontée. Or, à travers sa réforme de la haute fonction publique, Emmanuel Macron souhaite précisément remédier à ce problème majeur et dévastateur pour la fonction publique française. En effet, loin de se cantonner à renommer l’institution qu’est l’ENA, cette réforme vise réellement à transformer en profondeur la formation, le recrutement et le parcours des hauts fonctionnaires.

 

Actuellement, la formation des hauts fonctionnaires ne prend que très peu en compte les différents enjeux prégnants du XXIe siècle, comme la transition écologique, la révolution du numérique, la laïcité ou encore le rapport à la science. C’est pourquoi sera créé, au sein de l’ISP, un tronc commun qui leur sera consacré: tous les hauts fonctionnaires, sans exception, recevront une formation solide sur ces défis que va devoir relever la France durant les décennies à venir. Emmanuel Macron a également annoncé que l’ISP devra entretenir des relations privilégiées avec les universités, grâce à la mise en place de partenariats. Le nouvel Institut s’appuiera ainsi sur un enseignement d’excellence faisant intervenir des profils plus variés dans la formation des hauts fonctionnaires avec, à la clé, une formation délivrant des diplômes mieux reconnus à l’étranger, à la hauteur des meilleurs standards internationaux.

 

La disparition de l’ENA intervient aussi dans un contexte de défiance vis-à-vis de l’École. L’ENA est en effet aujourd’hui largement critiquée à cause de son mode de recrutement, qui tend à favoriser les élèves issus des catégories socio-professionnelles les plus aisées, et d’un nombre très restreint de formations : en 2019, 80% des admis avaient suivi une formation à Sciences Po Paris. Or la création de l’ISP a justement pour vocation d’élargir le périmètre social et géographique du recrutement des futurs hauts fonctionnaires. Celui-ci va regrouper en un même institut 13 écoles de service public et ce faisant, élargir le nombre d’étudiants pouvant prétendre à devenir haut fonctionnaire. Anciennement limitées à 80 étudiants dans le cadre de l’ENA, les nouvelles promotions de l’ISP accueilleront jusqu’à 1000 étudiants. Une autre évolution concernera les formations d’origine de ces étudiants, car ces 13 écoles recrutent de nombreux étudiants issus d’universités situées sur l’ensemble du territoire français et dont les origines sociales sont beaucoup plus variées qu’au sein des grandes écoles comme Sciences Po. Enfin, de nombreuses passerelles seront envisageables entre ces différentes écoles, et celles-ci seront d’ailleurs facilitées par la mise en place du tronc commun prévu dans la nouvelle formation des hauts fonctionnaires.

Parallèlement, l’idée de réduire l’incidence de la culture générale au sein des concours de recrutement des futurs hauts fonctionnaires de l’État, qui avantageait de fait les étudiants les plus favorisés, s’inscrit aussi dans la dynamique républicaine de l’égalité des chances. Néanmoins, le recrutement des hauts fonctionnaires doit également être préparé en amont des concours de la fonction publique, pour que celui-ci s’ouvre véritablement à des jeunes issus de tous les milieux sociaux et de l’ensemble du territoire. La réforme que nous portons aujourd’hui se place donc dans la continuité du dispositif Talent, annoncé par Emmanuel Macron le 11 février dernier à Nantes, qui a pour objectif d’attirer des jeunes issus de l’ensemble du territoire et de toutes les classes sociales vers la haute fonction publique en les informant d’une part sur ses métiers, ses modalités et ses voies d’accès et, d’autre part, en luttant contre une auto censure trop souvent pratiquée dans les milieux défavorisés.

 

L’ENA, c’est aussi -ou du moins c’était- une école qui permet à des jeunes de 25 ans d’accéder aux grands corps de la fonction publique comme le Conseil d’État, la Cour des Comptes ou les inspections, sans jamais avoir eu aucune expérience sur le terrain, c’est-à-dire au plus près des Françaises et des Français, au sein d’une administration décentralisée, qui se doit d’accompagner notre quotidien. Ce trou béant dans le cursus de nos hauts fonctionnaires a insidieusement contribué à une large déconnexion entre la fonction publique et les attentes concrètes des Français. Pour mettre un terme à cet éloignement, la réforme engagée par le gouvernement rendra obligatoire cette expérience de terrain, essentielle pour renforcer l’efficacité et la légitimité de la fonction publique française.

Enfin, cette réforme, si elle ne mettra pas fin à l’emploi à vie, pourra de fait mettre fin à l’emploi à vie sans aucun contrôle, car elle doit instaurer un système d’évaluation des hauts fonctionnaires tout au long de leur carrière au service de l’État. Elle permettra également plus de mobilité entre les différentes instances de la haute fonction publique, comme les grands corps ou les ministères. En effet, il était profondément injuste que des fonctionnaires compétents et dévoués se voient refuser tel poste ou telle perspective d’évolution professionnelle seulement en raison de leur classement à un concours qui a scellé leur destin à l’âge de 25 ans. Cette réforme a donc pour objectif de dire non au déterminisme qui dessert actuellement et depuis trop longtemps la haute fonction publique française.

 

Cet article vous est proposé par un élève anonyme de l’ESCP. 

 

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