Ce que vous ne savez pas sur le Nouvel An chinois
Par Kévin Tran
Exit le menu spécial de votre cantine préférée comprenant des classiques tels que les samoussas pas très racoleurs, le beignet d’ananas avec un fat content supérieur au taux de fructose ou encore l’inimitable et douteux riz cantonais, aujourd’hui nous vous parlons du Nouvel An Chinois.
Enfin … ce serait assez réducteur d’assimiler les autres pays d’Asie à la Chine (tous les mêmes askip) parce que la célébration du Nouvel An Chinois concorde aussi avec le Têt Nguyên Dán et le Seollal ; leur équivalent vietnamien et coréen. Ceci s’explique simplement par le fait que ces trois pays fonctionnent traditionnellement sur un calendrier lunaire différent de notre calendrier grégorien. En ce qui concerne d’autres pays d’Asie du Sud-Est comme le Cambodge et la Thaïlande, la célébration de la nouvelle année est fêtée aux alentours de mi-avril, le premier jour du 5ème mois lunaire. Ceci n’est qu’affaire de calendrier, mais ça a son importance …
Je vais essayer de vous parler de ce que je connais à peu près, le nouvel an chinois (bien que, je sois sûr et certain, les pratiques pour le Têt ou le Seollal sont tout aussi intéressantes).
Mais alors ? Se met-on des cuites au saké pendant le Nouvel An Chinois ?
Pour les communautés issues de la diaspora d’Asie du Sud-Est et de Chine, c’est comme vous vous en doutez l’occasion de se retrouver en famille et de partager un moment de convivialité. Évidemment, certaines pratiques propres au Nouvel An se retrouvent dans une grande partie de la diaspora et celle-ci ne vous est peut-être pas inconnue : l’enveloppe rouge. Aussi appelée hóng bāo en chinois ou encore lì xì en vietnamien, sa distribution lors du Nouvel An est une pratique répandue dans la plupart des pays d’Asie de l’Est, comme la Corée ou le Japon, dans des enveloppes blanches, mais aussi en Thaïlande sous une forme similaire. C’est donc avec un grand sourire qu’on accepte ces enveloppes au montant variable. Ce montant étant synonyme d’un rapport de force car il confère un rang social au donneur, rapport symbolique qui n’est pas sans nous rappeler la théorie du don et du contre-don que Mauss explique dans son texte le plus célèbre, l’Essai sur le Don.
L’argent c’est bien mais c’est pas le plus important (hein quoi ?) : parlons « graille », parlons « bouffe » ou plutôt, « gastronomie ».
Comme dans les pays d’Occident, il y a une certaine constante quant aux repas du nouvel an Chinois en France. On peut voir sur les tables de la rôtisserie comme du canard laqué, du porc laqué (cha siu pour les connaisseurs) ou encore du porc croustillant (pour ceux qui ne sont pas contraints face au porc, c’est une chose à goûter avant de mourir). Ainsi, les familles de la diaspora font exploser le C.A et le cash-flow de Tang Frères (les vrais savent) ou Paris Store. D’autres familles plus téméraires le font elles-mêmes, mais ça reste assez rare. Le reste du repas demeure assez traditionnel, des nouilles (symbole de longévité), du riz et des soupes (aux légumes, aux œufs ou au requin parfois …). En ce qui concerne le dessert, les corbeilles à fruits restent très répandues mais aussi le tang yuan, un dessert fait de boules à base de farine de riz gluant et remplies d’une pâte de haricot ou de sésame (certains mettent du chocolat …) et baignées dans un sirop sucré au gingembre et/ou dans du lait de coco. Les boules sont sensées représenter l’unification de la famille, la convivialité en somme.
Il y a donc beaucoup de facteurs symboliques à prendre en compte dans la célébration du Nouvel An car elle est avant tout une fête religieuse. Pour la symbolique, le foyer doit être nettoyé de fond en comble, une sorte de ménage de Printemps, pour accueillir comme il se doit la nouvelle année. Ensuite, la nourriture est placée sur un autel destiné à la prière. De même qu’il existe parmi la diaspora des pratiquants bouddhistes qui, conformément aux préceptes, mangent végétarien en allant prier au temple (on peut citer les célèbres pagodes de Vincennes ou de Bussy-Saint-Georges). D’ailleurs, c’est l’occasion pour de nombreuses personnes d’y aller pour la première fois de l’année, la 2ème génération issue de l’immigration pratiquant un bouddhisme plus culturel que religieux.
C’est aussi l’occasion pour la diaspora de communier et de célébrer la culture chinoise, formidable démonstration de soft-power minutieusement exécutée sous les ordres de Pékin (la sinoïsation soon askip). On peut le remarquer en tentant de s’aventurer dans les rues bondées du 13ème lors du célèbre défilé. C’est le grand moment de l’année pour les pratiquants de la danse du lion ou de la danse du dragon. Par 2 (pour le lion) ou par 12, leur impressionnante danse, respectivement synonyme de chance et de bonheur, mène la parade. Sous ces créatures animées on retrouve surtout des jeunes hommes et des jeunes femmes d’origine chinoise ou indochinoise mais aussi des personnes sans lien familial avec l’Extrême-Orient. Puisse leur danse vous apporter bonheur et chance pour cette année du chien !
C’est ainsi que nous vous invitons à célébrer à votre façon vous aussi la nouvelle année, culinairement pour les plus gourmands ou en vous rendant dimanche par exemple dans le 13ème (mais pas que), vous ne serez pas déçus.
p.s : les nems c’est vietnamien.