Du lithium pour le développement durable?

Les batteries électriques plutôt que le pétrole, on aime! … encore faut-il savoir différencier “électrique” de “non polluant”. Alors parlons peu, parlons de notre lithium franco-français.

 

  1. Retour sur la définition du développement durable 

Le développement durable est “un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs” (Mme Gro Harlem Brundtland, Premier Ministre norvégien (1987). C’est aussi “un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable” (Sommet de la Terre, Rio 1992). Aujourd’hui on envisage aussi un quatrième pilier institutionnel. 

 

2. Comprendre l’enjeu du lithium, “l’or blanc”

 

Qu’est que ce lithium (Li)? 

Situé dans la première colonne (famille des alcalins) à la deuxième ligne (numéro atomique 3, trois protons) du tableau périodique, vous l’avez forcément rencontré en cours de physique chimie avec les batteries Li-ion. Il est très réactif, aussi n’existe-t-il à l’état naturel que sous la forme de composés ioniques : on l’extrait de roches (pegmatites), d’argiles et de saumure. On le produit également industriellement à l’état métallique par électrolyse en sel fondu. 

 

Pourquoi est-ce une ressource utile? 

Le lithium sert majoritairement à la production des piles et batteries rechargeables ou à haute tension, mais aussi à l’industrie du verre et des céramiques et marginalement dans la fabrication de lubrifiants, le traitement de l’air, l’industrie du caoutchouc et la médecine pour le traitement de la bipolarité. On l’utilise conjointement avec d’autres minéraux comme le cobalt pour les batteries.

Où le trouve-t-on? 

En 2021, la production mondiale (100 000 tonnes) était assurée par quatre pays : l’Australie, le Chili, la Chine et l’Argentine. Pourtant, la France s’y met. Imerys (firme transnationale française spécialisée dans la production et la transformation de minéraux industriels) a annoncé ce mois-ci l’extraction de 34 000 tonnes de lithium/an pendant 25 ans dès 2028 du site de Beauvoir Kaolin (massif central) qui contient un million de tonnes de lithium en sous-sols (!)

3. Alors, le lithium d’Imerys, c’est du développement durable?

Du point de vue social… OUI. 

D’une part, la production nationale devrait permettre de fournir aux constructeurs de voitures électriques européens assez de lithium pour 700 000 batteries électriques/an. Cela encourage et accompagne la mouvance vers l’électrique qui était déjà visible l’an dernier : en décembre 2021, 18 pays de l’UE ont enregistré plus de ventes de voitures électriques que de voitures diesel.

De l’autre, la France comme l’nion Européenne importent aujourd’hui leur lithium (Australie, Chili, Chine, Argentine). Cette production, comme toutes les extractions, pollue les sols et pille les ressources en eau. Il apparaît éthique que la France subisse les conséquences de sa consommation, c’est-à-dire, n’offshorise pas le problème de pollution pour une ressource qu’elle consomme de plus en plus. 

Du point de vue économique… OUI. 

Avant tout, cette exploitation augmente l’espérance de vie à ce site minier. De plus, le lithium est une ressource de plus en plus convoitée : aujourd’hui, la demande est de 75 000 tonnes sur le marché, mais on attend un doublement voire triplement de la demande pour 2025. La France saisit l’opportunité de se faire une place sur ce marché grâce à l’exploitation de ressources présentes dans ses sous sols dans un contexte de demande croissante (+20%/an) et d’augmentation du prix de cette matière première.

Enfin, cette production nationale offre une forme de souveraineté nationale à la France, et plus globalement à l’Union Européenne qui acquiert comme fournisseur un de ses membres, qui importe aujourd’hui 80% de son lithium de Chine et d’Australie. 

Du point de vue institutionnel… oui et non.

Certes, l’Union européenne souhaite interdire la vente de véhicules à moteurs thermiques dès 2035. Le remplacement par l’électrique, et donc les batteries au lithium, est la solution logique. L’exploitation des mines de lithium en Europe est la voie suivie pour s’en assurer l’accès, surtout que la neutralité carbone de l’UE demande l’utilisation de 60 fois plus de lithium en 2050. 

Mais le triangle du lithium (Australie, Chine, Amérique Latine ; quid de l’Europe?) concentre 58 % des ressources, 53 % des réserves et 29 % de la production mondiale (USGS, 2021), et devrait produire 90% du lithium en 2050. L’importation reste la voie privilégiée jusqu’à l’ouverture de la mine (2027) et si le gouvernement actuel fait de l’approvisionnement interne en terres rares sa figure de proue, rien n’assure que le prochain mandat présidentiel sera du même avis. 

Du point de vue écologique… c’est plus compliqué qu’il n’y paraît, mais disons oui. 

Il y a du négatif, car l’extraction pollue : émission de CO2 (15 tonnes/tonne de lithium pour les roches dures, 5 tonnes/tonne de lithium pour les réservoirs souterrains) ; pillage des ressources en eau (469m3/tonne de lithium) ; grande superficie nécessaire (3124m2/tonne produite par réservoir souterrain, bassins d’évaporation) ; perte de biodiversité.

Mais aussi du positif, car si toutes les extraction polluent, le lithium est un moindre mal par rapport au pétrole : 15 à 40% de la pollution du pétrole est due à son extraction (installation à basse efficacité énergétique, torchage) productrice de CO2, le reste à son raffinage et sa combustion. L’industrie pétrolière dans son entièreté est responsable de 40% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. De plus, la production française réduit les distances de transport de cette ressource : le transport (y compris du pétrole) représente un quart des émissions en CO2 de l’UE. 

Enfin les véhicules électriques aux batteries lithium posent quelques questions. Il n’y a pas de pollution (à comprendre, production de CO2 et d’oxyde d’azote) lors de l’utilisation, mais il y a production de particules fines (les pneus sont plus larges car les moteurs sont plus lourds)… ce qui est toutefois en partie dû au revêtement des chaussées. La production de lithium (et cobalt), leur extraction et leur raffinage, requièrent l’utilisation de produits chimiques, mais cette pollution est plus faible que celle due à la production de pétrole, et une fois la production passée, les véhicules électriques polluent 77% moins que les véhicules thermiques. Une dernière question : l’électricité pour la recharge des batteries n’est pas anecdotique, car si on pousse pour l’électrique, si les véhicules sont rechargés par de l’énergie produite par de la combustion de charbon, on perd le sens de cette transition.

C’est finalement un mal pour un bien plus que nécessaire. Pour Emmanuel Cosgrove, fondateur d’Écohabitation, les batteries électriques (au lithium) constituent “le chaînon manquant à une production domestique vraiment verte.” Le lithium, à l’inverse du solaire et de l’éolien, est disponible en continu. 

 

Article rédigé par Blanche Pitzus, membre de Streams.

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