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22 octobre 2019

Sceptionnaire #2

La question du sexisme a resurgi à ESCP Europe, après la parution d’un article des Échos : « Deux ans après #MeToo, où en sont les grandes écoles de commerce ? ». L’article évoque dès les premières lignes le couloir des assos : « Un lieu de pouvoir et de domination sociale de l’école où les présidences sont majoritairement masculines, les recrutements misogynes, le sexisme tout simplement ordinaire ». Assassin, certes, mais au moins vecteur de débat. Oui, on vous a entendu en discuter dans les couloirs, vous demander si cet article reflétait réellement la vision que les étudiants ont de l’école. Alors on a décidé de vous donner la parole. 

Vous avez été 306 à nous répondre. Vous étiez globalement d’accord avec l’article à propos de l’existence d’un sexisme réel, et conscients que des progrès restent à faire, mais vous l’avez aussi trouvé excessif, et inadapté à la situation. Aussi beaucoup d’entre vous regrettent que Les Echos n’aient pas pris le temps d’interroger plus d’étudiants. Cela leur aurait notamment éviter de généraliser à l’ensemble des associations ce qui n’est vrai que pour certaines d’entre elles.

 

Hommes et femmes confondus, vous êtes 20% à penser que rien n’a changé depuis le mouvement #MeToo dans le combat contre le sexisme en ESC, et 45% à penser que certaines pratiques sexistes sont passées sous-silence: pour ne pas faire polémique, pour ne pas entacher la réputation de l’école, voire par déni. C’est ce dernier cas qui revient le plus: « les gens en école ne sont pas conscients du faire que leur comportement en école est sexiste », « il y  une intériorisation de comportements », « c’est un silence implicite, presque inconscient ». En ce qui concerne les habitudes sexistes existant dans certaines assos, « la pression du groupe » est souvent évoquée dans vos commentaires: ces coutumes ne sont pas remises en question au nom de la tradition, par souci d’intégration, ou encore par inconscience En ce sens, 65% des femmes interrogées pensent que l’on n’est pas assez sensibilisé au sexisme, quand 69% des hommes affirment que si, preuve du décalage certain qu’il y a, et du progrès qu’il reste à faire. Aussi, l’un de vous décrit cet article comme « nécessaire », certes, car il ouvre au débat,  « mais un peu trop généralisant, et faisant passer la totalité des mecs comme participant à un vaste système anti-filles ». 

« Il y a du vrai, mais l’article est largement généralisé et ne traduit pas du tout la diversité des situations », écrivait un autre de nos lecteurs. 

 

Si une majorité d’entre vous reconnaît que l’article soulève un malaise profond, soit un sexisme réel dans la vie de tous les jours et au sein même de l’école, vous êtes nombreux à défendre le système associatif face aux accusations portées par l’article dans le sens où il généralise à un ensemble ce qui est propre à très peu d’associations. « C’est moche de stigmatiser toutes les assos pour quelques unes » écrit l’un d’entre vous. « A mon avis, l’article décrit la réalité d’une minorité d’associations, ce qui reste quand même un problème en question. » Certes, on ne peut le nier, certaines assos  – ne les citons pas, elles se reconnaîtront et nous les connaissons – entretiennent un système patriarcal où le physique demeure un critère de recrutement essentiel, majoritairement appliqué aux filles selon 60% d’entre vous. Il conviendrait cependant de ne pas généraliser cette situation à l’ensemble de notre tissu associatif. « Oui il y a du sexisme en école. Mais je trouve l’article assez pervers dans le sens où je ne considère pas l’école comme un temple du sexisme, du moins pas plus que le monde des organisations ou que le monde des interactions sociales »

En fait, certaines réflexions mériteraient d’être poussées au-delà du sexisme, sujet sur lequel l’article des Echos s’est trop focalisé. Reprenons l’exemple de l’apparence physique comme critère de recrutement: c’est condamnable si ce critère est volontairement assumé, mais l’est-il toujours? Le physique peut parfois entrer un compte, en tant que biais involontaire: on est toujours plus charmé par une personne qui dégage un certain charisme. 

Reparlons également du tag d’un pénis dans le couloir des assos: symbole de patriarcat? Vraiment? Ou simple dessin, bête et vulgaire, certes, mais réalisé sans aucune arrière pensée par un ou plusieurs élèves en état d’ébriété? 

 

Évoquons enfin « la masculinité hégémonique » du monde associatif « où les présidences sont majoritairement masculines » selon les Echos. 

Là encore, vous êtes nombreux à critiquer cette affirmation qui, factuellement, est à revoir. On vous épargnera la liste des associations dirigées par des femmes (sans parler des listes BDE), où celles (extrêmement majoritaires) dont le bureau est paritaire. 

 

Enfin, beaucoup déplorent le ton inquisiteur de l’article à l’égard de l’école. Parce que certes, la critique constructive est levier de progrès: mais ici la critique ne semble être qu’acharnement. « Un article sulfureux qui cherche à faire parler et faire scandale. Certains éléments sont vrais mais ils en tirent des conclusions trop énormes. » 

Cet acharnement semble d’autant plus dommageable que l’article, qui aurait pu avoir une portée réelle en soulevant des problèmes récurrents que sont le sexisme et le manque de sanctions prises à l’égard des agresseurs, dans la société comme dans l’ensemble des écoles, perd cet objectif en prenant l’ESCP pour cible et en associant l’école à un univers où peu d’élèves se retrouvent finalement. «  Il faudrait inviter le journaliste à l’école parce qu’il décrit une situation complètement en décalage avec ce que j’ai vécu depuis ma rentrée à l’ESCP ». « Un article qui vise à tort l’ESCP en particulier. Deux de mes amies sont à HEC et sont bien plus témoins et victimes de sexisme d’après ce qu’elles me racontent. » Sur le fait que l’école précédemment citée ait accueillie en son sein l’auteure de l’article, nous ne ferons aucun commentaire. 

 

Nous pouvons également évoquer la question de l’insécurité en soirée: 80% des hommes interrogés et 45% des femmes se sentent en sécurité, quand 45% des femmes affirment avoir déjà été gênées par des comportements inappropriés en soirée. Là encore, vos réponses montrent que le problème est réel et conséquent. Cependant, il semble fallacieux d’élever l’ESCP, voir même les écoles de commerce, en seule et unique responsable. 

 

Alors certes, « la vie associative a des défauts qu’il faut corriger, mais il faut arrêter de diaboliser les écoles de commerce ».

 

L’article des Echos a eu le mérite de rappeler que deux ans après #MeToo, le chemin à parcourir vers une égalité totale reste long, très long. Cependant, vous êtes une majorité (pas une totalité, on l’entend bien) à considérer que l’analyse des Échos est erronée, et qu’un tel article ne fait que desservir la cause qu’il prétend défendre. En synthèse, si vous êtes bien une majorité à considérer le problème du sexisme comme une réalité à l’ESCP, vous considérez qu’il n’est pas traité de la bonne manière dans l’article des Echos, et de manière générale.

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