Devenir médecin, à quel prix ?
Fêtards, insomniaques, brillants, épuisés, la réputation des étudiants en médecine est hétérogène. Derrière ces mythes se cache néanmoins une réalité psychologique.
La première année de médecine, anciennement PACES mais renommée PASS en 2021, est connue pour sa difficulté. On y sacrifie son temps, sa vie sociale, ses relations amoureuses, ses hobbies, pour entrer dans le fameux cursus de médecine, de pharmacie ou de maïeutique. De nombreux témoignages ont montré la détresse des étudiants, on a pu voir au cinéma le film Première année réalisé par Thomas Lilti, qui a bouleversé bien des spectateurs en portrayant parfaitement cette année compliquée.
Mais la fin de la première année n’est pas une libération pour tout le monde. La situation des étudiants en médecine en France est loin d’être idéale. Le 13 janvier 2021, Sinega Santhirarajh, étudiante en première année de médecine, se donne la mort suite à ses résultats du premier semestre. Selon une enquête de la Fondation Jean Jaurès, un interne (étudiant de la dernière phase du parcours de médecine, à partir de la fin de la 6ème année) aurait trois fois plus de risque de se suicider qu’un Français du même âge. Dès la deuxième année, les difficultés s’amoncèlent : des centaines de pages de cours par semaine à apprendre, des universités trop peu à l’écoute de leurs étudiants, des examens aux exigences démesurées… A partir de la quatrième année, de nouveaux problèmes arrivent avec l’externat : les étudiants travaillent à l’hôpital tous les matins, pour toucher tout juste 2 euros de l’heure et subir, souvent, les dysfonctionnements des hôpitaux. Je vous défie de trouver un externe n’ayant pas passé plusieurs heures à ranger et trier des dossiers de patients qui avaient été jusque-là négligemment empilés sur un bureau. A l’issue de la sixième année, les fameux ECNi, les concours nationaux qui déterminent la spécialité et la ville où s’effectuera l’internat. Puis, l’internat pendant 3 à 6 ans, au rythme soutenu de 51 à 70 heures de travail par semaine selon une enquête de l’ISNI, pour une rémunération encore très faible et une reconnaissance parfois limitée. En bref, un parcours du combattant autant pour la santé physique et mentale des étudiants.
Alors que nous traversons une pandémie mondiale, il est peut-être temps de leur accorder un peu de visibilité. Les scandales s’enchaînent dans les universités de médecine : l’Université de Paris en tête, résultat de la fusion de deux universités de médecine parisiennes (Diderot et Descartes), qui se retrouve au cœur du mouvement « #MentalBreakUp » dénonçant ses nombreux ratés. La réforme actuelle du deuxième cycle des études de médecine, qui tente d’améliorer la situation en luttant contre le bachotage lié à la préparation des ECNi et en revalorisant l’évaluation des compétences cliniques, est reportée d’un an. C’est donc en premier lieu au niveau de l’administration des universités que les changements doivent s’opérer : il faut prendre en compte les retours des étudiants et de leurs élus pour adapter le format des supports de cours ou des stages. Mais également, au niveau de l’organisation des hôpitaux, qui gagnerait à être optimisée pour permettre d’accorder du temps aux patients tout en laissant les soignants s’accorder du temps pour soi. Enfin, là où vous avez peut-être un rôle à jouer, au niveau personnel : être présent pour vos amis, vos frères et sœurs étudiants en médecine, être à l’écoute de leurs difficultés. Leur plus grande source d’angoisse ? Se sentir oubliés.
Document intéressant et réaliste, il correspond à ce que l’on observe si on fréquente les hôpitaux et si l’on partage avec des étudiants en médecine. Je suis convaincue qu’il faut les aider et les soutenir