Quel rôle pour les partis politiques lors des élections présidentielles ?
Il y a 5 ans, le 10 février 2016, Jean-Luc Mélenchon se déclarait candidat sur TF1 en expliquant : « C’est le peuple qui va en disposer. Je ne demande la permission à personne, je le fais hors du cadre des partis. » Hier soir, Anne Hidalgo appelait à une primaire de l’ensemble de la gauche, dérogeant à nouveau à l’ancrage partisan.
Au niveau local, les partis politiques semblent pourtant toujours bien implantés, comme l’ont montré les récentes élections régionales et municipales. Toutefois, au niveau national, les organisations politiques traditionnelles semblent en crise, depuis les dernières élections présidentielles de 2017. Serait-ce alors le retour d’un modèle politique concevant les élections présidentielles comme la recherche d’une personnalité par le peuple, comme le souhaitait le général De Gaulle en créant la Vème République ?
C’est au tournant des années 1970 que la politique se structure davantage en partis politiques. Les candidats aux élections présidentielles sont alors, la plupart du temps, des personnes clés de leur famille politique ayant été aux commandes de leur parti. Les grandes figures politiques s’appuient ainsi sur leur organisation partisane avant d’élargir leur discours à un électorat plus nombreux au cours de la campagne. Toutefois, l’époque de la polarisation des élections présidentielles entre l’Union pour un Mouvement Populaire et le Parti Socialiste est révolue et les primaires ne font plus l’unanimité dans ces deux grandes familles politiques, notamment à cause des revers de ces deux partis traditionnels en 2017.
Cette année-là, on remarque l’apparition d’une nouvelle stratégie de campagne politique, où les candidats, à l’image d’Emmanuel Macron ou de Jean-Luc Mélenchon, fondent un parti dans l’unique but de soutenir les désirs du candidat en question, c’est-à-dire de briguer les suffrages des élections présidentielles. qui reproduit une conception gaullienne de la Vème République, alors qu’il souhaite lui-même l’abolir, s’il venait à être élu ?
Le phénomène ne se résume toutefois pas qu’à Jean-Luc Mélenchon et à Emmanuel Macron, que ce soit Valérie Pécresse ou Anne Hidalgo, la majeure partie des figures politiques françaises ont créé leur propre parti politique. En effet, Valérie Pécresse a fondé « Libres » en juillet 2017, même si elle a été l’une des principales volontaires pour l’organisation des primaires des Républicains, qu’elle a remportées. Ces partis personnels, avec une communication centrée sur la personnalité phare, seraient-ils alors devenus une nouvelle constante de la vie politique française ? Si leurs tailles semblent varier selon les personnalités politiques qu’ils supportent, on note surtout le fait que ces partis ne rassemblent un électorat que pour une courte période illustrant l’effervescence de la campagne politique. Cette période d’effervescence rassemblant des électeurs moins fidèles explique également leurs débâcles aux élections locales par la suite.
Ce premier facteur expliquerait donc la désarticulation entre l’échelle locale et l’échelle nationale pour les partis traditionnels comme le Parti Socialiste et Les Républicains. Les idées de ces partis seraient alors toujours d’actualité et permettraient de convaincre les Français à l’échelle locale. En revanche les personnalités portant ces idées et principes n’auraient pas l’envergure ou la stature d’un futur président de la République. Ce deuxième facteur permettrait donc aussi de comprendre cette indépendance entre les scènes nationales et régionales.
Les élections présidentielles de 2022 verront-elles apparaître une nouvelle méthode de campagne politique ? Ou bien, serait-ce le moment de sortir de cette illusion peut-être trompeuse et de retrouver des personnes au leadership renforcé car ayant remporté la primaire de leur parti, après avoir été des personnes de premier plan au sein de leur parti, comme Valérie Pécresse (LR) ou Yannick Jadot (Europe Ecologie Les Verts) ? Après analyse des résultats de ces deux primaires, on semble loin de remarquer une prise d’envergure aussi grande qu’espérée pour les deux vainqueurs. Que ce soit la présidente de la région Ile-de-France ou le député européen, les deux personnalités politiques ne semblent pas parfaitement incarner la ligne de leur parti politique. En effet, comment pourrait-on dessiner la ligne politique d’Europe Écologie Les Verts tant la fracture semble immense entre le radicalisme de Sandrine Rousseau, qui semble plus proche de La France Insoumise que de la vision pragmatique de son collègue d’Europe Écologie Les Verts ? De même pour la candidate de droite, dont l’adversaire défait, Éric Ciotti clame son attrait pour le fondateur de Reconquête, Éric Zemmour.
En outre, seul le président de la République semble capable d’être en mesure de réitérer cette formule de 2017 avec succès. En effet, Jean-Luc Mélenchon semble loin de reproduire les 19% de 2017. Il faudra donc sûrement repasser par des primaires à gauche pour tenter de le battre, comme le suggérait Anne Hidalgo hier soir. Tandis qu’à droite, Valérie Pécresse et Les Républicains devront faire face aux partis personnels de Marine Le Pen (Rassemblent National) et d’Eric Zemmour (Reconquête), dont la personnalité plaît à quelques électeurs des Républicains.
Cet article vous est proposé par Hector Magry, membre de Streams.