Le monde contre la Covid-19
I – Covid-19 vs. États-Unis
Il y a à peine un peu plus d’un an, en février 2020, les États-Unis se félicitaient d’avoir atteint un taux de chômage de 3,5%, soit le niveau le plus bas depuis une cinquantaine d’années, et étaient grisés par cet exploit économique – il était alors question du taux de chômage naturel, et il n’y a pas d’ivresse plus grande et plus douce que lorsque la théorie économique semble se confondre avec la réalité. Mais quelques mois et une pandémie plus tard, le taux de chômage s’est envolé et a atteint 14,8%. Recul des dépenses de consommation, paralysie de nombreux secteurs d’activité et destruction d’emplois sont devenus les symptômes macroéconomiques de la pandémie.
Il est à présent temps de dresser le bilan d’une année passée à essayer de s’accommoder des symptômes de la covid-19 et d’en penser (voire panser, pour les plus ambitieux) les conséquences.
Recul de l’activité
D’après les estimations du département du commerce l’économie américaine aurait subi une contraction de son PIB avoisinant les 3,5%. 2020 devient alors la pire année pour les États-Unis depuis 1946. Le marché du travail a pâti de ce ralentissement de l’activité et a subi une destruction de près de 9,8 millions d’emplois en 2020. Il convient également de noter que ces destructions d’emplois ont concerné certains secteurs en particulier – l’hôtellerie et la restauration- et que les travailleurs à bas salaires ainsi que certaines minorités ont été les principales victimes de la crise de l’emploi.
Enfin, les États-Unis ont souffert de l’assèchement des flux d’investissements vers les pays développés et ont peiné à maintenir leur position en tant que premiers bénéficiaires d’IDE (investissements directs à l’étranger), place à présent cédée à la Chine.
Ces effets prévisibles se sont conjugués à un phénomène dont l’ampleur a été inattendue pour achever d’atrophier l’économie américaine. 2020 a aussi été l’année du plus important contre-choc pétrolier depuis 1986: le prix du baril a dégringolé jusqu’ à -37 dollars sur certains contrats spécifiques alors même que le coût marginal d’extraction d’un baril de pétrole de schiste avoisinait les 54 dollars aux États-Unis.
Politiques économiques et perspectives de reprise
Les réponses de l’administration Trump aux défis posés par la pandémie ont été vivement critiquées. Une étude publiée dans The Lancet a souligné qu’une grande partie des décès liés à la Covid-19 aurait pu être évitée si les taux de mortalité des États-Unis étaient alignés sur ceux des autres pays du G7. Si la critique contre la gestion de la crise sanitaire est unanime, les avis sont en revanche plus nuancés quand il s’agit de la gestion des conséquences économiques.
En matière de politiques économiques, la priorité a été donnée au renforcement de la protection sociale avec des allocations chômage plus généreuses, étendues à de plus en plus de sans-emplois, et l’instauration d’un congé maladie. L’urgence de la situation explique également l’aide proposée aux petites entreprises en manque de trésorerie qui ont pu bénéficier de prêts garantis. Ces aides ont permis aux Américains de mieux faire face au choc de la pandémie et elles expliquent l’augmentation de 6% de leur revenu disponible en 2020. Les dépenses budgétaires ont porté le déficit à 15% environ du PIB pour l’exercice 2020. En outre, la politique monétaire a également joué un rôle important en maintenant des taux d’intérêts nuls et en achetant massivement des actifs pour un montant de 2300 milliards de dollars entre mars 2020 et février 2021.
Tous les moyens sont mis en œuvre pour non seulement limiter l’impact négatif de la pandémie mais également pour accélérer la relance.
Ce sont ces ambitions qui expliquent le nouveau plan de 1900 milliards de dollars proposé par l’administration Biden. L’objectif annoncé est celui de l’aide aux personnes en situation précaire, en particulier dans le secteur des services. Or, avec les efforts menés sur le front de la vaccination qui permettent d’espérer une réouverture progressive de l’économie, ces aides pourront se transformer en dépenses allouées à des services jusque-là atrophiés. C’est précisément ce regain de dynamisme qui permet à certains de prévoir une croissance positive en 2021 aux États-Unis : selon l’économiste en chef du Crédit Suisse, il faut s’attendre à une croissance du PIB de 5,5%.
Il convient enfin de tempérer cet optimisme. Le sacro-saint PIB n’est pas l’unique indicateur macroéconomique à surveiller, en particulier lorsque de plus en plus de doigts pointent les risques d’inflation et voient dans le plan de soutien de l’administration Biden un excès de zèle qui finira par être préjudiciable à la santé de l’économie. C’est cette même crainte qui est adressée à la Fed qui est en outre considérée comme responsable de l’envolée des marchés financiers. La position de Jerome Powell est pourtant claire à ce sujet : la Fed continuera sa politique jusqu’à ce que l’inflation dépasse durablement les 2% et la priorité est ici aussi donnée à la reprise. Enfin, les tensions inflationnistes accompagneront naturellement la reprise de certaines activités de services dont les prix augmenteront sous l’effet d’une demande supérieure par rapport à l’offre – voyages, concerts et tous les autres plaisirs de la “vie d’avant”.