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22 janvier 2022

Kazakhstan : Asie centrale, problème global

En 1991, la plus vaste des Républiques soviétiques devient une République indépendante, pendant 29 ans (jusqu’en 2019), le président Noursoultan Nazarbaiev va diriger le Kazakhstan en fleurtant parfois avec l’autoritarisme (régime corrompu, opposition muselée, censure de la presse). Par la suite, Jomart Tokaïev lui succède en 2019 et poursuit sa politique autoritaire. Cet immense territoire (9ème en superficie) base principalement son économie sur les exportations de pétrole, ce qui en fait un pays rentier, ainsi l’indice du cours du pétrole est donc vital à la bonne santé de son économie. Ce pays minier est également le premier producteur d’uranium (1/3 de la production mondiale) et de dizaines d’autres minerais indispensables à nos technologies actuelles.

Si ce géant oublié se retrouve aujourd’hui au cœur de l’actualité internationale, c’est parce que depuis deux semaines le pays d’Asie centrale est en proie à une répression féroce. L’augmentation soudaine du prix du carburant a poussé les gens à sortir dans la rue, où ils ont été accueillis par des tirs de l’armée, appuyée par des troupes russes. On compte des dizaines de morts, ainsi que des milliers de blessés.

Aux vues des immenses richesses que possède ce pays, on saisit mieux les préoccupations de la communauté internationale. Le cours de l’uranium s’est par exemple envolé à près de 46 dollars. Le géant français Orano qui exploite le précieux minerais là-bas (ex Areva) s’est montré préoccupé par les tensions qui touchent actuellement le Kazakhstan. À la liste des enjeux économiques on peut également ajouter celui du Bitcoin. En effet, le Kazakhstan héberge sur son sol près de 15% de la puissance de calcul mondial grâce à son climat sec et froid idéal pour faire fonctionner les serveurs. Le cours du Bitcoin est d’ailleurs en baisse mais difficile de dire à l’heure actuelle si cela a un lien direct avec les évènements en cours.

Mais au-delà des ressources et des questions d’approvisionnement, la stabilité du Kazakhstan est également un véritable enjeu géopolitique pour toute la région étant donné que ce dernier est un carrefour commercial entre la Chine et l’Europe. Avec le plan Belt and Road Initiative lancé en 2018 par Xi Jinping, la Chine souhaite mettre en place ses nouvelles routes de la soie en construisant des transports pour relier l’ouest chinois à l’Europe. La Chine tente donc de remplacer depuis une dizaine d’année la Russie en tant qu’acteur géopolitique majeur de la région. Depuis la signature du traité de l’Organisation de sécurité collective en 2001, la Chine s’affirme, surtout d’un point de vue économique, en apportant un soutien financier aux pays d’Asie centrale. Ainsi à la vue de cette crise, elle s’est juste contentée de soutenir l’envoi de troupes par la Russie.

La Russie, justement a beaucoup à perdre avec le Kazakhstan. Moscou craint en effet de voir de plus en plus son ancien satellite soviétique regarder vers l’Est. La présence chinoise est désormais mal vue, d’autant plus que le Kazakhstan est un allié majeur pour la Russie. Ce pays abrite le cosmodrome de Baïkonour, essentiel pour les missions spatiales russes. Et ces deux pays font notamment partis de l’OTSC, une alliance militaire qui unit militairement depuis 2002 plusieurs anciens pays soviétiques.

Dès lors, retrouver une influence géopolitique a toujours été pour la Russie une ambition assumée, et la mainmise sur son « étranger proche » est dans les esprits russes un moyen de retrouver la gloire d’antan. Reste à savoir si l’aide militaire suffira face à l’influence économique du géant chinois.

On l’aura donc compris, le Kazakhstan n’est pas un terrain d’affrontement des puissances régionales alentour, mais le compter dans ses rangs semble être un objectif primordial pour la Chine et la Russie.

Cet article vous est proposé par Jules Godfrin, membre de Streams

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