23 novembre 2021

Blue Economy

En 1994, pour la COP3, l’ONU demande à Gunter Pauli de réfléchir sur ce que pourrait être le modèle économique du futur, qui limiterait la pollution et permettrait un système économique plus local. C’est ainsi que naît le concept de  « Blue Economy ».  Ce concept qui est aujourd’hui un véritable projet vise la suppression des déchets par leur valorisation. L’idée originale était de repenser le concept même de déchet. Aujourd’hui on les voit comme les restes inexploitables d’une économie productiviste. G. Pauli propose de les considérer comme des ressources exploitables pour l’économie. Il nous invite, par exemple, à utiliser le marre de café comme engrais pour les plantes de nos jardins, voire pour nos exploitations agricoles. En effet, ce « déchet » est une ressource selon ce point de vu. Ici il ne s’agit que d’un exemple qui permet d’illustrer son propos. Le véritable but de la Blue Economy est de pousser le concept d’économie circulaire au maximum, jusqu’à presque réinventer l’industrie.

Ce que cela signifie est qu’aujourd’hui, avec le dérèglement climatique, avec les conséquences concrètes que l’on voit dans le monde aujourd’hui, il est certain qu’on ne peut plus garder le même système économique qu’autrefois. Et pourtant, malgré ce que voudraient certains, il semble peu probable qu’on assiste à un « retour dans le passé », à des modes de vie drastiquement différents qui permettraient vraiment d’améliorer la situation. C’est pour cette raison que G. Pauli considère qu’il faut en priorité changer les modes de production. En effet, en substance il explique ceci : le premier principe de physique que tout le monde connaît est « rien ne se créé tout se transforme » et donc « rien n’est détruit tout est transformé ». En effet, lorsqu’on regarde le fonctionnement de la nature, du cycle de la vie, des plantes, de l’écosystème tout entier, on réalise qu’il ne fait que se régénérer perpétuellement. Que ce qui est mort, enrichit les autres, que ce qui est un « déchet » nourrit certains, que ce qui est considéré comme inutile d’un certain point de vu devient une ressource d’un autre. Voilà le principe de la Blue Economy, revenir au fonctionnement normal des choses, ne plus jeter mais réutiliser et utiliser ce qui devrait être jeté.

Et si on pouvait penser un système économie viable à partir des couches nauséabondes de nos chers bambins ? Impossible ? Complètement idéaliste et hors de la réalité pensez-vous ? Alors lisez ce qui suit. Et découvrez ce qu’est la Blue Economy grâce aux projets de la fondation ZERI (Zero Emission Research and Initiatives). Celle-ci, créée par Gunter Pauli, propose de nouveaux systèmes économiques favorables à l’environnement. Mais surtout, c’est un réseau de scientifiques, de chercheurs, d’entrepreneurs qui travaillent conjointement et concrètement à la réalisation de près d’une cinquantaine de projets de grande envergure tout autour du globe. Donc le projet raconté ci-dessous n’est pas simplement une ambition, mais un projet en cours de réalisation. Traduction et synthèse d’un de leurs projets (site : www.zeri.org/what-is-zeri.html)

Cette année, le monde célèbre les 60 ans des couches jetables. À l’origine, il s’agissait d’un investissement réussi du gouvernement suédois : promouvoir la qualité de vie pour tous, ainsi que l’égalité des sexes en réduisant la charge pesant notamment sur les mères qui travaillent. La société, cependant, s’est embourbée dans un flux de déchets sans fin, dans des proportions excessives. Le désir bien intentionné d’innover a eu des conséquences imprévues, involontaires et aujourd’hui complètement disproportionnées.

Cette année, nous concevons un nouveau modèle économique pour l’industrie de la couche. Tout commence avec le lait maternel. Lorsqu’une mère allaite, l’urine et les selles du bébé sont d’une qualité et d’une quantité extraordinaires. Après la digestion, une grande variété de micro-organismes et de substances sont libérés et contiennent de l’énergie, ou force vitale. Il ne faut donc jamais dénigrer cette riche source de matériaux (les couches usagées et leur contenu) en la considérant comme un problème de déchets. Nous pouvons réorienter le flux de ce mélange de matériaux de haute qualité et le transformer. Le transformer de manière à ce qu’il offre aux familles une abondance de fruits frais – pour les générations à venir.

Le projet From-the-Bottom-Up nous permet de redessiner une ville, en créant une remarquable ceinture de fruits autour d’un environnement urbain, fournissant – en une seule génération – des millions de tonnes d’une riche variété de fruits de saison hautement nutritifs, ajoutant à la biodiversité de la région. L’approvisionnement en fruits, baies et noix se fera par le biais de plantations et de récoltes en accord avec les cycles de la nature. Cela attirera plus d’abeilles, plus d’oiseaux. En même temps, ce projet permettra la création d’un esprit de communauté rarement vu dans l’histoire moderne.

Cela peut sembler être une vaste entreprise. Pourtant, le début est très simple. Le processus exige un modèle d’entreprise qui possède tous les éléments nécessaires pour redessiner une ville au fil du temps – en commençant par la création d’une communauté L’écosystème permet de concevoir une initiative si efficace et efficiente que les couches peuvent être offertes gratuitement. Nous envisageons une usine d’assemblage locale pour 1 000 bébés. Cela générera des emplois tandis que de l’argent est créé par la vente et la plantation d’arbres sur des terrains fournis par les citoyens et par la ville. Comment cela est-il possible?

Nous envisageons qu’au cœur de cette transformation positive et radicale se trouve une petite coopérative, composée de 100 familles. Un logiciel de cartographie a indiqué que dans les villes dynamiques, dans chaque cercle de 800 m de diamètre, il y aura environ 100 bébés. Ce processus de mesure peut être répété des centaines – et dans une mégapole – même des milliers de fois. Nous créons le réseau, des réseaux à partir des bébés et de leurs familles. Les parents et les grands-parents qui participent à l'”Initiative couches gratuites” acceptent de prendre leur approvisionnement gratuit et de déposer les couches usagées à un point central chaque samedi. Les parents sont également encouragés à apporter les déchets organiques de cuisine dans des sacs en plastique biodégradables, car ces deux matériaux sont nécessaires pour convertir ces ressources naturelles en terre noire, également connue sous le nom de terra preta : le secret de l’agriculture hautement productive des Incas et des Vikings.

Sur la base de notre étude pilote à Berlin, une coopérative de 100 familles peut accumuler environ 1,2 million d’euros en 25 ans… et ce uniquement grâce aux contributions volontaires pour les couches.

Tous les fonctionnaires municipaux que nous avons approchés sont désireux de contribuer au processus. Il y a deux raisons à cela. Tout d’abord, la diminution de la quantité de couches qui finissent dans les décharges (les couches représentent actuellement 5 à 6 % des décharges), et ensuite, la conversion des couches souillées en terre noire permet de faire des économies. Le système de collecte simple utilisé permet de réduire les coûts de transport, en diminuant la charge excessive des camions qui transportent les couches dans et hors de la zone urbaine, presque toutes importées de l’étranger. Les terres disponibles sont utilisées pour faire pousser un grand nombre d’arbres qui offriront des fruits pendant plusieurs décennies, voire plusieurs générations. Si 1 000 familles poursuivent ces objectifs pendant 25 ans, 25 millions d’arbres seront plantés. Si chaque arbre offre en moyenne 50 kg de fruits, le rendement sera d’un million de tonnes de fruits par an. Nous sommes clairement passés de la pénurie à l’abondance. Nous avons embrassé une nouvelle ère pour les biens communs, où ce qui est bon et nécessaire est gratuit.

 

Cet article vous est proposé par Emilien Trouplin, membre du Noise, à l’occasion de la semaine du Développement Durable.

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