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25 novembre 2021

Le monde selon Muhammad Yunus : zéro pauvreté, zéro chômage, zéro émission carbone

Les débuts de Muhammad Yunus

Né le 28 juin 1940 à Chittagong (Bangladesh), Muhammad Yunus est le troisième enfant d’un père bijoutier, un musulman très pieu, et d’une mère engagée auprès des plus défavorisés. Pendant ses jeunes années, il a l’occasion de voyager au Pakistan, en Inde, en Europe, aux Etats-Unis, au Canada, et aux Philippines dans le cadre de Jamborees scouts. Il entre ensuite à l’université de Dacca (Bangladesh) où il obtient une licence d’économie en 1960, une maîtrise en 1961, puis se lance dans l’enseignement à l’université et l’entrepreneuriat en créant une usine d’emballages.

Malgré le succès de son usine, il décide d’abandonner la gestion à ses frères en 1965 et part préparer un doctorat d’économie aux Etats-Unis grâce à une bourse Fullbright. Une fois son doctorat obtenu, il occupe quelques années un poste dans une université du Tennessee. Il soutient de loin les indépendantistes lors de la guerre de libération du Bangladesh et ne retourne au pays qu’une fois l’indépendance proclamée, en 1971, pour y devenir sous-commissaire au plan.

Ces étapes matricielles dans la vie de Muhammad Yunus soulignent avec évidence ses principales qualités : l’altruisme, l’ouverture, et l’engagement. Elles l’accompagneront toute sa vie et l’aideront à mettre en place son plus grand projet, la Grameen Bank.

 

 

L’avènement de la Grameen Bank

Quand une terrible famine touche le Bangladesh en 1974, Muhammad met en place un plan d’action dans le domaine agricole. Il décide ensuite de rejoindre l’université de Chittagong et, frustré par « le vide du jargon économique néoclassique » (entretien Forbes), se rend dans un village voisin où il souhaite apporter des solutions concrètes à la pauvreté qui sévit.

 Il y rencontre une femme qui survit en vendant des objets en bambous mais surendettée auprès d’usuriers locaux pour acheter le bambou nécessaire à son activité. Le peu d’argent qu’elle gagne sert à rembourser les intérêts de ses dettes. Embourbée dans le cercle vicieux de la pauvreté, il lui est également impossible de faire appel aux banques traditionnelles pour obtenir un crédit, celles-ci ne voulant pas risquer l’insolvabilité. Suite à cet échange, Muhammad décide de lui prêter un peu d’argent ainsi qu’à d’autres villageois pour les aider à se libérer de l’emprise des usuriers. Il est profondément convaincu qu’ils se serviront de son argent pour sortir de la pauvreté et le rembourseront le jour venu. C’est ainsi que naît le micro-crédit.

 Il tente de proposer son idée à une institution bancaire, qui refuse, et monte finalement son propre programme en 1976. Il devient officiellement la « Grameen Bank » en 1983 (grameen signifiant village) et vaut à Muhammad le surnom de « banquier des pauvres ». La stratégie de Yunus est également très novatrice car elle accorde principalement des prêts aux femmes, que personne n’avait jamais considéré comme de potentiels entrepreneurs. Le modèle est un succès, les prêts sont remboursés dans 98 % des cas. Il s’exporte rapidement à l’étranger avec plusieurs millions d’emprunteurs en 2003.

 

 

Une notoriété internationale

Le succès de Muhammad Yunus lui vaut d’être nommé à la fois pour le Nobel d’économie et celui de la paix en 2005, et d’obtenir le Nobel de la paix en 2006 conjointement avec la Grameen Bank. Il se sert alors de sa notoriété pour militer pour le « social business » auprès des grandes multinationales – c’est-à-dire pour que les entreprises économiquement viables se dotent d’une raison d’être sociétale. Les investisseurs ont vocation à récupérer l’argent investi mais renoncent à tout dividende. C’est le cas de la Danone Grameen Foods, co-entreprise de la Grameen Bank et de Danone créée en 2005, qui sous l’impulsion du PDG de Danone et de Yunus s’est doté d’un objectif de lutte contre la malnutrition au Bangladesh.

 

 

Vers un monde meilleur grâce au « social business » ?

 Le social business est considéré par Yunus comme un outil au service de ce qu’il appelle « l’économie à trois zéros » : zéro pauvreté, zéro chômage et zéro émission nette carbone. Dans son dernier ouvrage (A World of Three Zeros : The New Economics of Zero Poverty, Zero Unemployment, and Zero Net Carbon Emissions, PublicAffairs, 2017), il livre une critique acerbe du capitalisme moderne qu’il considère comme dysfonctionnel et ne menant qu’à la pauvreté, le chômage de masse et la destruction de l’environnement. Il souhaite enrayer cette tendance grâce au modèle du social business en faisant de l’altruisme une force créative aussi puissante que la recherche de l’intérêt personnel.

 

Cet article vous est proposé par Hélène Ghosn, membre du Noise, à l’occasion de la Semaine du Développement Durable. 

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