Mais qu’est-ce que l’EAP ?
L’année 2019 marque le bicentenaire de l’ESCP et c’est l’occasion de faire un point sur ce que les étudiants de la plus ancienne école de commerce du monde connaissent sur ces 200 ans d’histoire. Personne – ou presque – n’ignore que notre chère école compte parmi ses fondateurs l’illustre Jean-Baptiste Say. Mais ceux qui savent, qu’il y a vingt ans, l’ESCP a fusionné avec une autre école parisienne sont déjà beaucoup moins nombreux ; et les étudiants qui seraient capables d’expliquer un peu ce que fut l’EAP sont bien rares. Il est temps de combler ces lacunes : voici une petite histoire de l’école européenne des affaires.
Une école créée tardivement
Contrairement à la plupart des écoles de commerces du top 10, l’Ecole des Affaires de Paris est relativement récente. Elle fut créée en 1973 par la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) et élut domicile au 108 boulevard Malesherbes à la place d’HEC-JF (HEC Jeunes Filles), école autrefois réservée aux femmes, dont le concept était devenu obsolète avec l’ouverture des parisiennes aux étudiantes au début des années 1970.
En 1980, l’école des affaires de Paris fut rebaptisée école européenne des affaires : un nom plus en phase avec sa pédagogie. L’acronyme EAP fut conservé cependant.
Une pédagogie novatrice
Les modalités d’admission à l’EAP étaient un peu particulières. A l’origine, il était nécessaire d’avoir été admissible à HEC, à l’ESSEC ou à l’ESCP pour se présenter aux oraux de l’école du 108 boulevard Malesherbes. Les épreuves qui attendaient alors les candidats étaient, à plusieurs égards, bien différentes de celles que l’on trouvait alors dans les autres écoles de commerce. L’une d’entre elle ressemble fortement à l’entretien collectif mis en place à l’EDHEC il y a trois ans : lors de cet oral, il était demandé aux candidats d’effectuer un travail de groupe observé par des psychologues chargés d’analyser leur comportement. Cette épreuve ne faisait cependant pas office de substitut au traditionnel « entretien de personnalité » puisque chaque admissible était également convoqué à un oral de motivations durant lequel il se retrouvait face à un jury composé de cinq personnes, parmi lesquels se trouvaient deux professeurs de langue ; l’entretien pouvait donc passer à tout moment du français à l’anglais ou (pire encore) à l’allemand !
Une fois sur les bancs de l’EAP, les étudiants n’enchainaient pas tout de suite les cours théoriques. En effet, l’école privilégiait une expérience d’abord pratique comme pouvait en témoigner sa devise : « action, réflexion » ; un parti pris qui amenait les élèves à commencer par des expériences terrains et des projets de groupes. Ce changement radical dans la manière de travailler des étudiants, qui venaient tout juste quitter le cadre très théorique des classes préparatoires risquant d’être mal vécu par certains, l’école attribuait à chaque élève un monitor chargé d’assurer un suivi psychologique. Les élèves de l’EAP pouvaient aussi compter sur le soutien de leur mentor attitré pour les questions qui relevaient davantage du domaine académique.
Comme en témoigne la nature de certaines des épreuves d’admission, mentionnées plus haut, l’international était au cœur de la pédagogie EAP. A l’origine, l’école disposait de trois campus répartis entre Paris, Londres (qui déménagera ensuite à Oxford) et Düsseldorf (qui déménagera ensuite à Berlin). Vous l’aurez compris, une bonne partie des promotions EAP ne connurent pas les campus madrilène et turinois, qui furent créé plus tard. Le nombre d’étudiants recrutés chaque année étant assez faible (les premières promotions ne comptaient pas plus d’une cinquantaine d’étudiants), c’était avec l’ensemble de sa promo que l’on se déplaçait chaque année de campus en campus tout au long de sa scolarité à l’EAP, ceci permettait de tisser des liens très forts entre les étudiants. Les cours étaient enseignés dans la langue locale de chaque campus ce qui favorisait d’autant plus une bonne préparation à un environnement de travail interculturel. A l’EAP, il n’y avait pas de spécialisations en conseil, en finance ou en marketing, c’est cette longue expérience à l’étranger qui faisait office de spécialisation. Si cette dimension internationale très approfondie semble ne rien avoir d’exceptionnel aujourd’hui, à l’époque elle faisait de l’EAP une école à part. Dans les autres écoles de commerce, les étudiants désireux de partir à l’étranger devaient se contenter d’un semestre d’échange dans une université partenaire.
Du fait de ces spécifiés, il était assez courant que des étudiants fasse le choix d’intégrer l’EAP plutôt que certaines écoles pourtant plus renommées. Il était d’ailleurs difficile de situer l’EAP par rapport aux autres grandes écoles de commerce puisque de nombreux classements la considérait comme une école à part.
La fusion avec l’ESCP en 1999
Sous l’impulsion de la CCI, une fusion entre l’ESCP et l’EAP fut décidée et pris acte en 1999. Si c’était bien sûr l’occasion de réalisation des économies d’échelles, les motivations au regroupement des deux écoles parisiennes ne s’arrêtaient pas là. L’Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ou plutôt Sup de Co Paris comme on avait l’habitude de la nommer à l’époque) proposait une formation traditionnelle et jouissait d’une très bonne réputation en France. L’EAP, un peu moins reconnue au niveau national, l’était davantage au-delà des frontières, notamment dans les pays où se trouvaient ses campus. Les deux écoles parisiennes étaient finalement assez complémentaires : leur fusion permis de donner à l’ESCP le renouveau dont elle avait besoin et d’apporter à l’EAP un nom souvent synonyme d’excellence académique aussi bien aux yeux des étudiants que des recruteurs français. L’école née de cette fusion fut tout simplement nommée ESCP-EAP.
Bien que l’EAP soit très peu connue des actuels étudiants de l’ESCP, son héritage est toujours bien visible aujourd’hui. Les campus européens en sont la preuve la plus évidente. Si le nouveau changement de nom de notre école, dix ans après la fusion, au profit d’ESCP Europe a pu être interprété comme un effacement de l’EAP, il laisse cependant transparaitre clairement l’ADN de cette dernière.
Remerciements à Isabelle Sthemer, autrefois en charge du réseau des anciens élèves de l’EAP et aujourd’hui co-déléguée du groupe ESCP Europe au féminin
Parmi les détails de l’histoire de l’EAP figure le fait qu’elle a quitté Düsseldorf pour s’installer à Berlin en 1985, 4 ans avant la chute du mur.
Cela a constitué un choix extrêmement audacieux pour l’époque, car personne n’aurait anticipé la fusion des 2 Allemagne en si peu de temps.
bien vu Gilles !