Les réseaux sociaux, maîtres ou outils ?
Le lundi 4 octobre a débuté comme tous les lundis. Une jeune fille, que nous avons renommée Léa, se lève, rechigne, va en cours. Toute la journée, elle laisse ses pensées vagabonder et son esprit se perdre. Tandis que les cours s’enchaînent les uns après les autres, lents et réguliers, elle n’écoute pas, ne sait pas ce qui se passe. Elle se contente d’imaginer sa soirée. Comment s’habiller ? Où aller ? Que faire ? Comment éviter que ce ne soit terriblement gênant ?
Cette soirée va-t-elle changer sa vie, faisant inexorablement dévier sa trajectoire future ?
Ce soir, elle a rendez-vous avec un presque inconnu, un homme qu’elle a rencontré par hasard lors d’une soirée quelques jours plus tôt. C’est une histoire parfaitement banale : celle d’un premier rencart, qui suit une première chope sous les lumières tamisées d’une boîte de nuit quelconque. Léa ne cesse d’anticiper, ravie à l’idée de vivre un événement qui diffère de sa routine.
Mais vers 18h, alors qu’elle envoie un message à sa meilleure amie, comme elle le fait toujours pendant les cours, il ne part pas. Elle réessaie. Change de réseau. Passe sur Instagram, sur WhatsApp, retourne sur Messenger. Impossible d’envoyer quoi que ce soit. Comme dans un rêve, un peu atterrée par ce qui semble être une panne improbable, elle récupère son téléphone et envoie un SMS à son amie. Les réseaux sont tombés ; c’est une panne mondiale. Et tandis que les cloches sonnent les heures qui passent, ses plans s’évanouissent : sans Instagram, Léa ne peut pas communiquer à son date le lieu de rencontre. Adieu les mille possibilités, les mille imaginaires et les mille futurs éventuels.
Pour les étudiants, le téléphone est l’une de leurs possessions les plus précieuses. On l’utilise tout le temps. On s’ennuie dans le métro sur le chemin de la Scep ? On scrolle le fil d’actualité Instagram. On regarde notre groupe de promo sur Facebook pour se tenir informés des actualités des campus. On échange des messages pour nous plaindre, demander des nouvelles, commenter des événements avec nos amis, notre famille, les gens que nous côtoyons. En moyenne, une personne utilise les réseaux sociaux 145 minutes par jour. Soit plus de deux heures et demie. Sur une journée de 24 heures, cela représente une part importante de nos activités.
Le premier réseau social date de 1997. Il s’agit de Six Degrees, un réseau sur lequel on peut posséder un profil personnel et communiquer avec d’autres individus. Ce réseau est oublié de nos jours. Quand on pense réseaux, on pense Facebook, Instagram, WhatsApp, LinkedIn et, peut-être, Snapchat. Pourtant, ces derniers sont plutôt récents. LinkedIn est le plus ancien parmi eux, comme il a été créé en 2003. Facebook, lui, a vu le jour en 2004. Instagram, en 2010. S’ils n’ont pas 20 ans, ces outils sont devenus des parties intégrantes de notre vie quotidienne. Des prévisions indiquent qu’en 2025, environ 38,51 millions de Français utiliseront les réseaux sociaux. Notons qu’en 2020, la France ne possède que 67,39 millions d’habitants. Certes, la population peut augmenter. Mais les proportions restent frappantes : ne pas utiliser les réseaux, c’est être marginalisé, mis à l’écart de la société et de ses modes, de ses manières de communiquer.
Mais quels sont les effets des réseaux ?
Les réseaux sont nos outils. Grâce à eux, nous pouvons communiquer avec nos proches en tout temps et en tout lieu. Ils peuvent être utilisés pour rencontrer de nouvelles personnes et étendre son cercle d’amis. Dans notre monde hyper-connecté et digitalisé, il s’agit d’un des mediums les plus efficaces pour rester au courant des nouvelles du monde. Les réseaux nous permettent de nous exprimer, d’exposer notre créativité au regard d’autrui : un photographe peut faire connaître son art, un musicien diffuser sa musique… Nos très chers réseaux sociaux sont, somme toute, une fenêtre sur le monde.
Alors, pourquoi est-ce que les employés des géants de la Tech, comme Marc Zuckerberg, limitent-ils l’accès de leurs propres enfants aux plateformes qu’ils ont fondées ? Sans doute parce qu’ils ont vu de près les conséquences négatives que ces dernières peuvent avoir. Léa, le 4 octobre, s’est sentie démunie tandis qu’elle ne pouvait pas communiquer avec son prétendant. Elle avait beau regarder son téléphone, l’écran restait désespérément vide. Et elle n’était pas la seule à se sentir isolée, perdue, alors que la communication était soudainement devenue ardue. Les études abondent sur les effets de l’utilisation intensive des réseaux. Entre anxiété accrue, cyberharcèlement, dépression, la création d’un sentiment d’isolation, l’augmentation des troubles du sommeil, ou encore les complexes des individus sur leur physique et sur la qualité de leur vie, les réseaux sont reliés à de nombreux dangers sanitaires. Et ce, tant physiques que mentaux.
Dans ce cas, pourquoi continuons-nous autant à les utiliser ? Aux États-Unis, 80% des utilisateurs d’Internet possèdent un profil Facebook. Dans le monde, près de 55% de la population globale ont un réseau social ou plus. C’est énorme. Ahurissant. Peu surprenant. Tous nos amis manient les réseaux, et cela nous semble bizarre dans le cas contraire. Envoyer des SMS est devenu « has been » et dépassé, sauf pour contacter une ou deux personnes de choix. Au final, les réseaux ne sont pas seulement des outils, mais aussi des gouvernails. Ils nous aident à orienter nos vies, avec ou sans notre accord. Alors que nous sommes les cibles perpétuelles de publicités sponsorisées et personnalisées en fonction de nos données personnelles sur les plateformes, on aura tendance à changer notre comportement de consommateur. Et ce n’est qu’un exemple d’une façon dont les réseaux nous influencent.
Que faire face à ce constat, je l’ignore. Je suis sans doute moi aussi partiellement (ou complètement) dépendante des réseaux. Si on ne peut se défaire des réseaux, peut-être faut-il se recentrer sur les petits moments de la vie, ceux que l’on vit à 100%, et délaisser lorsque cela est possible la vie virtuelle pour profiter de la vie réelle. Savoir que Facebook, Instagram, WhatsApp, Snapchat ont du bon, mais aussi du mauvais, c’est déjà commencer à se prémunir contre leurs dangers potentiels. Savoir réduire l’importance que nous leur accordons, et que nous accordons au fait d’être connecté 24h/24h, c’est se protéger. Et puis, qui sait. Peut-être qu’en se reconcentrant sur sa vie réelle, Léa pourra recroiser le beau gosse de la boîte de nuit sans avoir à utiliser Instagram pour le contacter.
Pour aller plus loin :
https://www.onlyso.fr/les-chiffres-2021-des-reseaux-sociaux.html
https://www.agence90.fr/chronologie-innovations-reseaux-sociaux/
https://www.kubbco.com/what-are-the-negative-effects-of-social-media-on-children-teens-and-adults/
https://www.helpguide.org/articles/mental-health/social-media-and-mental-health.htm#
Cet article vous est proposé par Raphaëlle Jouglard, membre de Streams.