4 novembre 2021

L’éco-anxiété, symbole d’une génération désillusionnée ?

Le 31 octobre a débuté la COP 26, la 26e conférence des Nations Unies sur le climat. Ce sommet international, qui doit se tenir jusqu’au 12 novembre à Glasgow, en Écosse, est considéré par de nombreux hommes politiques comme la « réunion de la dernière chance ». Cette formule n’est pas un euphémisme, loin de là. Pour cause, le dernier rapport du GIEC nous a rappelé que l’inaction face aux enjeux climatiques ne fait qu’augmenter la probabilité de catastrophes climatiques de plus en plus importantes et de plus en plus fréquentes. À lui seul, l’été 2021 a concentré de multiples catastrophes climatiques : records de chaleur au Canada, incendies dévastateurs aux États-Unis et inondations historiques en Europe. Les conséquences du changement climatique, que nous reléguions à un avenir lointain, se ressentent dès à présent. Et malheureusement, si nous ne faisons rien, l’été 2021 risque de n’être qu’un avant-goût de ce qui nous attend ces prochaines années.

Face à un tel constat, la peur est une réaction normale, et tout à fait légitime : la perspective d’une extinction de masse n’a rien de réjouissant, surtout lorsque l’on a à peine 20 ans. Cependant, chez certaines personnes, la peur se transforme en un véritable sentiment d’angoisse. On bascule alors dans l’éco-anxiété, ou le nouveau « Mal du siècle » pour reprendre l’expression  du médecin de santé publique Alice Desbiolles. L’éco-anxiété étant un concept encore récent dans le monde de la médecine, il est difficile de définir clairement ce phénomène. Toutefois, selon Alice Desbiolles, l’éco-anxiété peut être définie comme une « inquiétude anticipatoire » vis-à-vis des changements climatiques auxquels nous sommes confrontés. Cette « inquiétude anticipatoire » est à l’origine d’émotions diverses selon les individus : chez certains, elle se traduira par de la colère, chez d’autres par de la peur ou encore de la culpabilité. « Maladie imaginaire », diront certains. Non, la souffrance est bien réelle, de même que les symptômes engendrés par l’anxiété : insomnies, perte d’appétit, crises d’angoisse, voire idées suicidaires.

Loin d’être limitée à quelques cas isolés, l’éco-anxiété tend au contraire à se généraliser. La préoccupation croissante de la population pour les questions environnementales, la multiplication des catastrophes climatiques ainsi que la couverture médiatique de ces derniers peuvent être considérés comme les principaux facteurs de ce phénomène. Sans surprise, ce sont les jeunes qui se retrouvent en première ligne face à lui. Sans cesse présentés par les dirigeants comme la génération qui devra « tout changer », ils se retrouvent à devoir supporter seuls la lourde responsabilité qu’est l’avenir de la planète. Vaste programme pour des personnes qui n’ont même pas 30 ans. Une étude[1] publiée le 14 septembre dans The Lancet Planetary Health montre bien les répercussions de l’éco-anxiété sur la santé mentale de la génération des 16-25 ans. Dans le cadre de l’étude, 10 000 jeunes originaires du monde entier ont été interrogés, et un même constat est partagé : 83% des jeunes interrogés pensent que la protection de la planète est un échec. Plus encore : 75 % jugent le futur « effrayant », 56 % pensent que l’humanité est condamnée, et 39% hésitent même à avoir un enfant étant donné le contexte actuel. Ces quelques chiffres dressent un triste portrait de notre génération : désillusionnée, en perte de sens, et méfiante envers les dirigeants. L’éco-anxiété semble ainsi s’imposer comme le fléau de toute une génération.

Néanmoins, si nous sommes condamnés à vivre le réchauffement climatique, sommes-nous pour autant condamnés à subir l’éco-anxiété ? L’éco-anxiété, plutôt que de nous paralyser, ne devrait-elle pas être le départ d’un engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Lutter à son échelle peut ainsi être un premier pas pour dépasser le sentiment d’impuissance généré par l’éco-anxiété, et avancer doucement vers une forme de lucidité sereine.

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[1] Marks, Elizabeth and Hickman, Caroline and Pihkala, Panu and Clayton, Susan and Lewandowski, Eric R. and Mayall, Elouise E. and Wray, Britt and Mellor, Catriona and van Susteren, Lise, Young People’s Voices on Climate Anxiety, Government Betrayal and Moral Injury: A Global Phenomenon. Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=3918955 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.3918955

Cet article vous est proposé par Clémence Biergeon, membre de Streams.

 

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