Coupe du monde de football 2022 au Qatar : à quoi faut-il s’attendre ?
A deux semaines de la cérémonie d’ouverture de la compétition qui démarrera officiellement le 20 novembre, le monde entier est en suspens. Entre désastre écologique, négation des droits humains ou encore scandales politiques, la compétition qui n’a pas encore commencé est la cible de multiples critiques depuis des mois. Faisons le point sur l’événement sportif le plus attendu de l’année, pour des raisons qui débordent du cadre sportif.
Pourquoi le Qatar ?
Le choix de la FIFA d’effectuer la future Coupe du Monde au Qatar remonte à 2010. La candidature du pays a été retenue après le vote des 22 membres exécutifs de l’organisme. Ce choix s’explique par une volonté d’inclure les pays arabes dans les grandes compétitions internationales. Cette décision partait donc d’un bon sentiment.
Cependant, des accusations de pots-de-vin apparaissent très vite dans la presse : le pays est accusé d’avoir versé 3,7 millions de dollars à des responsables de l’organisation de la coupe du monde. La compétition commence à être entachée par divers scandales de corruption, auxquels Michel Platini et Nicolas Sarkozy se retrouvent liés. Mais ce n’est que le début des contestations…
Diverses critiques voient par la suite le jour, notamment sur les droits de la communauté LGBTQ+ dans le pays. L’événement qui devait être un coup de publicité majeur pour le pays à l’échelle internationale se transforme en cauchemar en termes d’image et de réputation.
Les droits humains, le dernier des soucis
Au Qatar, la défense des droits des travailleurs est extrêmement limitée. Elle est en fait quasiment inexistante pour certaines catégories de travail, comme pour la construction et le BTP. Les grands groupes de construction, contrôlés en très grande majorité par l’Etat, n’ont aucun mal à utiliser toute la main d’œuvre disponible, bien que celle-ci soit constituée d’enfants loin d’être en âge de travailler ou d’étrangers arrachés à leur patrie.
Une réforme du travail conséquente a certes été menée en 2020, elle a par exemple démantelé le système problématique des kafalas, un système de tutelle du droit musulman qui s’apparente souvent à la sujétion des travailleurs migrants à un « sponsor » (parrain), et qui peut dégénérer en travail forcé.
Mais cette réforme est bien trop tardive. Elle n’arrive qu’après la mort de milliers de travailleurs forcés à travailler dans des conditions inhumaines – la chaleur peut monter à plus de 50°C et le temps de repos est dérisoire – dont le nombre est d’ailleurs impossible à déterminer du fait du manque de transparence du gouvernement qatari. Le nombre de 6 500 morts est tout de même souvent évoqué.
Diverses ONG de défense des droits de l’homme, telles qu’Amnesty International ou Human Rights Watch, ont par ailleurs publié différents rapports dans lesquels il est révélé que par faute de main d’œuvre, plusieurs étrangers ont été contraints de rejoindre les chantiers. De nombreux Népalais ont ainsi participé, contre leur gré, à construire les stades que nous regarderons avec admiration fin novembre.
Le pire est en fait la banalisation d’un tel évènement, car non, nous ne devrions pas avoir à décompter les morts causés par les chantiers d’une coupe du monde.
Un désastre environnemental
Une coupe du monde en hiver, du jamais vu. Certes, il faut s’adapter et éviter les 50°C qui ne sont pas chose rare en été dans cette région du monde. Mais le choix de l’hiver n’empêche pas le fait que sept des huit stades construits sont équipés de climatiseurs gigantesques. Une aberration qui va à l’encontre de la sobriété et de la transition énergétique que nous essayons de mettre en œuvre.
« Ce n’est pas un bon signal », a commenté la première ministre française, Elisabeth Borne. C’est en effet le moins qu’on puisse dire, car les yeux de la planète entière sont rivés sur l’évènement. D’autant plus que durant la compétition, plus de 160 vols quotidiens – soit un avion toutes les 10 minutes – sont prévus entre Doha et les différentes régions alentour.
La FIFA avait pourtant pour objectif de créer un événement « neutre en carbone ». Une déclaration qui relèverait du greenwashing à en croire les différentes ONG de protection de l’environnement. Greenpeace et Carbon Market Watch se sont ainsi farouchement opposés à la coupe du monde du fait de son impact écologique considérable.
Le fait est qu’un grand évènement comme celui-là, qui demande une logistique gigantesque, qui fait venir des équipes du monde entier et qui les met constamment en mouvement, n’est jamais très respectueux de l’environnement. Mais cette fois-ci, on dépasse les sommets. Carbon Market Watch juge que le chiffre de 3,6 millions de tonnes de CO2 – bilan carbone estimé par la FIFA – est sous-estimé au moins d’un facteur 5.
Un nouveau scandale
Ce dimanche 6 novembre, The Sunday Times, un média britannique, a publié une enquête révélant que certaines personnalités critiques à l’égard du Qatar ont été les cibles de missions d’espionnage orchestrées par le pays du Moyen-Orient. Parmi eux, nous retrouvons notamment Michel Platini, ancien président de l’Union des associations européennes de football (UEFA).
Ces attaques auraient été menées seulement contre des personnalités s’étant opposés aux politiques restrictives en matière de droits humains du pays arabe. Dans le viseur se retrouvent principalement les fervents critiques de la répression faite envers la communauté LGBTQ+.
Bien que le Qatar nie pour le moment toute implication, l’enquête semble suggérer que ces missions sont récurrentes et ont lieu depuis 2019. « L’enquête précise clairement que le client (des hackers) est l’hôte de la prochaine Coupe du monde : le Qatar », écrivent les journalistes.
Le boycott, mal nécessaire ou acte inutile ?
Ce samedi 5 novembre, lors du derby contre Bochumles, les supporters du club du Borussia Dortmund ont manifesté dans les tribunes leur volonté de boycotter cette coupe du monde. Plusieurs banderoles ont été brandies sur le « Mur jaune », sur lesquelles étaient écrits des messages tels que « BOYCOTT QATAR 2022 » ou encore « Plus de morts que de minutes jouées ».
Ainsi, faudrait-il boycotter la coupe du monde 2022 ? Les réactions internationales sont partagées entre incompréhension, écœurement et indignation. Au vu de tout ce qui est en jeu, il est tout à fait justifiable de refuser de regarder un tel évènement. Ce serait indéniablement donner du crédit à des pratiques contre-natures que de regarder les matchs avec admiration. Le Qatar réussirait son pari d’effacer tout ce qu’il s’est passé grâce aux seuls résultats des matchs.
Mais il ne faut pour autant pas oublier pourquoi une telle compétition est autant au centre de l’attention. C’est justement du fait qu’elle provoque l’admiration que nous sommes tant envieux de suivre la coupe du monde. Rater les matchs pour montrer son désaccord, c’est aussi se priver d’une source d’émerveillement unique.
C’est pourquoi plusieurs joueurs et équipes ont décidé de participer activement à des campagnes de sensibilisation tout en participant à la compétition. Quel meilleur endroit pour protester que le terrain lui-même ? L’équipe nationale de Norvège l’a bien compris et a ainsi décidé de porter un t-shirt sur lequel il était écrit « Les droits de l’homme sur et en dehors du terrain » lors de leur dernier match de qualification pour la compétition.
Le Danemark a également pris une décision importante pour manifester son mécontentement, puisque son équipe nationale jouera la compétition avec un maillot complètement neutre. Son équipementier, Hummel, a ainsi déclaré : « Nous avons atténué tous les détails. Nous ne voulons pas être visibles durant un tournoi qui a coûté la vie à des milliers de personnes » ou encore « Nous sommes convaincus que le sport doit rassembler. Lorsqu’il ne le fait pas, nous tenons à nous exprimer. »
Ainsi, boycott ou non, à vous de décider. Mais blâmer ceux qui vont regarder ce spectacle reviendrait à oublier les raisons d’être d’une coupe du monde : le partage et l’envie de rassembler.
Article écrit par Vincent René-Worms, membre de Streams.