Guerre et (ESC)P
Par Quentin Predignac
Le 24 novembre 1874, soit il y a 142 ans jour pour jour, un fermier du Middle West américain nommé Joseph Glidden déposait le brevet du fil de fer barbelé. Celui-ci, plus communément appelé barbelé, mot dérivé de l’anglais barbed et bramble (ronce), révolutionna l’agriculture mondiale par son faible coût et la simplicité de son processus de production.
142 ans plus tard, cet objet s’est inscrit durablement dans la culture mondiale, faisant l’objet de détournement argotique tel que « sortir les barbelés », pour qualifier la défense solide d’une équipe de rugby. Mais soyons réaliste, il est plus que probable que ces considérations historiques et culturelles n’étaient pas au cœur de la pensée de Calou, quand à la 60ème minute du match ESCP-Sciences Po, il lançait son sempiternel : « Putaiiiiiiiiiiiin ! Merdeuuuuh ! Sortez les barbelés ! ».
Ce match avait tout pour notre XV d’une double revanche : revanche contre nous même tout d’abord, peu fiers de notre prestation dernière face à l’ESTP, mais également revanche contre Sciences Po, qui nous avait volé la victoire l’année dernière sur un arbitrage des plus arbitraires (5 cartons, 10 pénalités et 3 pénaltys). La légende raconte d’ailleurs que Calou nous aurait fait venir au match la veille, 24h avant le match : « Pour réviser un peu la mouette et sentir le terrain ». Apres avoir planté la tente et s’être assuré que tout le monde savait encore faire l’unique combinaison de l’ESCP depuis l’arrivée de Calou, en 52 avant J2, c’est le regard brillant et les mâchoires serrées que nous pouvions nous diriger vers le terrain pour y écouter les discours d’encouragement des capitaines et anciens. Véritable tradition orale digne des sociétés présocratiques, ceux-ci se colorent systématiquement d’un accent du Sud Ouest, même dans la bouche d’un parisien ou d’un normand. Le rugby a ses raisons que la raison ignore.
Avant même le coup d’envoi, la foule d’anciens, dont le SCR est supérieur au QI (même quand le premier est négatif), faisait préchauffer la machine à gigue dans les commentaires du live Facebook assuré par le travail formidable de Lucas Halimi. Et selon le théorème dit de Baduel qui veut que chaque action génère un nombre de commentaire multiplié par la nullité de l’action de 1 à en avant de Badu sur coup d’envoi (voir annexe pour plus de détails), les commentaires furent nombreux à défaut d’être spirituels durant les 20 premières minutes du match. En effet, le XV ESCP, pourtant au dessus physiquement (les vrais sauront ce que cette affirmation a de comique en soit), concéda deux pénalités faciles sur des fautes de main dans les rucks.
Cependant, un renvoi agressif poussa immédiatement les gauchistes bobos de Sciences Po à la faute, pénalité que Benoit Foulon choisit judicieusement de passer, nous ramenant au score de 3-6. Cette rupture dans les traditions scépiennes ne manqua pas évidemment d’en brusquer plus d’un parmi les anciens, à commencer par Cucu (« 4 ans à l’ESCP, pas une de passé » nous déclarait il, une lueur de fierté dans le regard). Ce peu de considération évident pour tout ce qui fait de l’ESCP une équipe pittoresque devait également s’étendre aux touches, où Louis de Baynast s’estimait apparemment trop important pour honorer la tradition de pizzaiolo des lanceurs à l’instar d’Augustin Madinier. Tout se perd on vous dit.
Sur base d’un jeu simple, liant gros qui pètent, trois quarts qui passent et Calou qui gueule, l’ESCP inscrivit son premier essai, après une bataille un peu confuse sur les 5m adverses, creusant un écart qui fut confirmé par une nouvelle pénalité.
En seconde période, les 20 kilos de moins moyens de l’adversaire commencèrent à se faire sentir au niveau du cardio, et si Maxime Gros Cheveux Friedman inscrivit un deuxième essai, la plupart de la période se passa dans notre camp, avec un banc de plus en plus clairsemé. Et c’est bien malgré la crampe au poumon droit de Matteo, la cheville en polystyrène de Predi et les neurones morts de solitude de Paquet que les zoulous warrior tinrent bon à 10m de leur ligne pendant de longues minutes. Le match se précipita avec un essai pour chaque camp, superbe contre attaque totalement justifié de 80m terminé par Foulon de notre coté, et un petit essai mesquin et litigieux pour eux, cela va de soi. Désireux de rattraper son trop grand sérieux dans les touches, Louis de Blaynast décida donc rater ce qui aurait été l’essai sur interception de la dernière action. Que les vieux se rassurent, il est bien des nôtres. C’est donc fort d’un score de 27 à 11, et malgré quelques sueurs froides, que le XV ESCP pu entamer son premier zoulou warrior, mené par un Cheveux qui doit son stage probablement plus au piston qu’à son entretien en anglais.
Meilleur commentaire : Bravo à Charles Doscampos, pour son « Maxime Cheveux, t’es gros et lent. ».
Annexe : théorème dit du Baduel
Partant du principe que seules les actions ratées génèrent des commentaires (à l’exception rares des essais), une action génère un commentaire multiplié par le coefficient de nullité décrit ci-dessous :
- Baudrier va serrer des mains et tape la conversation avec des anciens du stade pendant le match
- Cheveux marche jusqu’à l’action d’après
- Darfeuille laisse le rebond décider de qui aura le ballon au lieu de se mettre à la réception
- Chiff glisse au moment de taper un dégagement dans nos 22
- Matteo sort fumer un zdeh sur le bord du terrain
- Brousse tape une saucisse à la place d’une tomate
- Un avant tape une saucisse à la place de Brousse qui voulait faire une tomate
- Predi se prend un cul énorme sur une tentative de plaquage mou
- Une contre attaque de 80m se termine par une passe à l’aveugle dégueulasse
- En avant de Badu sur coup d’envoi (marche aussi avec Barnes)