12 février 2018

Le changement, tant désiré, si peu réalisé

Par Mathis Gadalou
« Le changement c’est maintenant » disait un certain candidat à l’élection présidentielle de 2012. Les politiciens l’ont compris, le changement est vendeur. Chacun de nous est sensible à cet appel tant notre société peut sembler insatisfaisante. Néanmoins, les réalisations peinent à suivre, alors même que certains sujets font consensus.
La grande majorité d’entre nous ne serait pas contre une société plus juste, plus démocratique et plus respectueuse de l’environnement. De même, nombreux sont ceux qui souhaiteraient plus d’égalité, ou plutôt moins d’inégalités, car ils ne comprennent pas comment il se peut que certains accumulent des millions pendant que d’autres vivent misérablement. Il ne s’agit pas forcément de désirer des changements radicaux mais simplement d’espérer atteindre un écart de richesse -et donc de pouvoir- raisonnable. Alors pourquoi toutes ces colères n’ont elles pas motivé des actions concrètes ? Certainement parce que nous participons tous de près ou de loin à cette situation, et que nous ne sommes pas forcément prêts à changer nos façons de faire. Ainsi, œuvrer pour la préservation de l’environnement exigerait de nous beaucoup de choses, à commencer par une consommation plus responsable : acheter moins mais mieux, ce qui en plus d’être pénible à première vue, n’est pas à la portée de tous. Il faudrait en effet se tourner vers des produits qui ont occasionné peu de nuisances pour l’environnement, c’est-à-dire vers des produits à faible consommation énergétique, faits en France afin de limiter la pollution générée par le transport ou encore vers des produits dont la production mobilise peu de ressources. Il faudrait aussi revoir notre style de vie en mangeant moins de viandes ou en limitant nos déchets par exemple. Autant de choses difficiles à réaliser, étant donné que tout nous incite à faire autrement. Surtout, nous avons tendance à éprouver ce sentiment que notre action reste négligeable et qu’il ne revient pas à nous seul de faire ces efforts. Prenons un autre exemple significatif, celui du secteur du spectacle et plus précisément du football. Qu’il s’agisse des salaires des joueurs de football, des sommes mises en jeu par les clubs ou de la corruption au sein de la FIFA, beaucoup de choses sont révoltantes, y compris pour les premiers passionnés de ce sport.
Mais, encore une fois, comment faire pour limiter tous ces excès ? Finalement, notre seul pouvoir serait de ne pas participer à cette entreprise : ne pas aller au stade, ne pas acheter de maillots de foot, ne pas acheter FIFA 18, ne pas s’abonner à BeIN. Autrement dit, demander presque l’impossible à un vrai passionné de foot. C’est pour cela que le changement est si difficile à réaliser : il nous oblige à faire des sacrifices que nous ne sommes pas forcément prêts à assumer, surtout si aucun changement n’est garanti à la clef. Enfin, par notre consommation uniforme, nous contribuons au développement sans fin des plus grandes entreprises dont nous pouvons douter de la philanthropie. Ces entreprises ont acquis un pouvoir tel qu’elles peuvent se permettre d’avoir des pratiques abusives, ce qui accentue encore plus leur domination. Parmi ces pratiques répandues, il y a notamment la fraude fiscale. Même si nous ne serons jamais tous d’accord sur le taux d’imposition idéal, nous serons presque unanimes pour dénoncer la fraude fiscale, estimant qu’il est légitime qu’une entreprise qui exerce ses activités dans un pays paie les impôts de ce pays. On connaît tous le cas d’Apple qui a profité d’un traitement favorable par l’Irlande en ce qui concerne son imposition. Ainsi, pendant de longues années Apple n’a presque pas payé d’impôts en Europe. Ce n’est que récemment, avec la pression exercée par la Commission Européenne que l’Irlande a mis fin à ce montage financier et qu’Apple s’est mise à payer des impôts – même si l’entreprise continue à avoir recours à l’optimisation fiscale. La fraude fiscale n’est pas la seule pratique abusive : on aurait pu parler de l’obsolescence programmé ou du lobbying. Si nous dénonçons ces pratiques, cela ne nous a pas empêché de continuer à acheter le dernier Iphone ou le dernier Mac book. Nous gardons nos habitudes de consommation certainement parce que ces pratiques abusives sont rarement clairement avérées. En effet, la plupart du temps nous n’avons que des soupçons. Ainsi, nous accordons à ces informations moins de crédit qu’il en faudrait et nous avons tendance à penser que la situation est moins grave qu’on nous l’a présenté. Surtout, il est difficile de se passer des produits de ces grandes entreprises tant elles sont bien ancrées dans le paysage. Finalement avons-nous vraiment intérêt à changer les choses si cela demande tant de sacrifices ? Cela nous fait aboutir à ce paradoxe : si nous sommes désireux de changement, nous sommes aussi conservateurs par nos actes.
Ainsi, Léon Tolstoï, auteur russe, écrivait : « tout le monde pense le changement, mais personne ne pense à se changer soi-même ». Nous optons pour une position attentiste car nous avons tendance à concevoir le changement au regard de ses coûts plutôt qu’au regard de l’objectif atteint. Pourtant, il serait illusoire de penser que le changement viendrait de lui-même : il a besoin d’acteurs. Cela suppose de mesurer notre volonté car, comme nous l’avons vu, le changement implique des sacrifices – plus ou moins grands selon son avancement – si bien qu’il ne peut pas être motivé par un intérêt mais par des valeurs. Ainsi, vouloir le changement, c’est agir conformément à ses valeurs, aussi difficile que cela puisse être. Alors, ce changement ne sera plus un vague désir mais un espoir au coin de sa tête, et qui sait, peut-être qu’il finira par devenir une réalité.

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