La bravoure ne suffit pas
Par Quentin Predignac
Jeudi 4 février. Hippodrome d’Auteuil. C’est un XV diminué qui s’apprête à faire face à la redoutée équipe de L’Essec. L’équipe déplore en effet de nombreux blessés (Diego, Eytan, Charles-Auxence…), qui s’ajoutent aux Anciens perdus avec la fin du S1. La sous-performance face à Sciences-Po il y a deux semaines, équipe pourtant très abordable, n’augure rien de bon face aux cergyssois, qui viennent de défaire Dauphine, mastodonte du championnat, au cours d’un match très serré (22-20). Mais en termes d’engagement, bocal et ballon ovale vont rarement de paire, comme le prouvera le match.
Le début du match ressemble pourtant à un cauchemar: à la réception lors du coup d’envoi, Victor Dupuy tente un renvoi au pied malheureux, est contré, et offre à l’Essec son premier essai dans un chrono figurant désormais dans les annales du championnat. La surprise est telle sur le banc que Calou en oublie (presque) de lâcher son sempiternel « putaiiiiiiiiiiing », alors que les lecteurs du live tweet croient à une blague douteuse de ma part. L’Essec, confiante, s’offre ainsi le score confortable de 7-0, et leurs casques craquent douloureusement face à l’enflement inévitable de leur ego, maladie congénitale de tout rugbyman qui se respecte.
Cependant, aiguillé par les conseils stratégiques judicieux de leur coach (« Mais arrêtez de faire de la merde putaiiiiiiiing ! »), le XV des zoulous warriors relève la tête et décide d’offrir au public, intégralement composé de deux listeux venus, je cite, « apporter le gouter », le combat qu’il est venu chercher. Après quelques minutes de combat acharné tant à l’avant qu’à l’arrière, Cyprien trouve l’intervalle, bouscule L’Essec dans leurs 22, les pousse à la faute, et permet ainsi à Einstein du Gers de combler en partie le retard. L’Escp est de retour pour de bon dans le match, comme ne tarde pas l’apprendre son adversaire, qui, acculé par l’offensif duo Cyprien/Chiffoleau, les plaquages sévères mais justes de Nicolas Febvre, tente un coup de pied maladroit, offrant sur un plateau d’argent le retour ironique du sort tant espéré : contre d’un Dupuy bien revanchard, et essai entre les perches de Cyprien. Le score est désormais de 10-7 en faveur de l’Escp. Mais le beau spectacle tourne court, et les grandes envolées sont troquées pour une guerre des tranchées en règle, au son des imprécations incohérentes et incompréhensibles de Calou : « Garde ! Garde ! Bien, tu as donné ! ».
Les fautes sont nombreuses, le jeu brouillon, mais la bravoure et le combat sont là. Malgré une défense acharnée face à ce que Paris fait de mieux en matière de coffres, l’Escp se montre trop fébrile et peine à reprendre la main. Une présence trop longue dans ses propres 22, alliée à de nombreuses fautes, et l’Escp donne l’occasion à l’Essec d’égaliser, puis de prendre la main à quelques minutes du point d’orgue de cette rencontre. S’il existe un dieu pour les botteurs sudistes, sans doute était-ce l’heure du Ricard, car Mdg rate par deux fois l’occasion de rendre à son équipe la victoire qui lui est due : une pénalité à peine en coin tout d’abord, puis une pénalité de la dernière chance à 40m à la dernière minute. Cette contre-performance surprenante du gersois lors de ce qui aura été le dernier match du championnat, nous rappelle cette leçon de rugby livrée par M. Lievremont : « L’inspiration, c’est bien, mais la transpiration ça compte aussi. » Autrement dit, pour battre une équipe de la trempe de L’Essec, la bravoure ne suffit pas : l’assiduité, le travail, un peu de chance aussi, voila les mamelles de la victoire rugbystique.
Une défaite ambigüe donc : malgré la fierté d’avoir relevé la tête face à ces monstres d’arrogance, le score laisse la sensation amère d’être passé à coté de quelque chose de grand. Ce match clôt donc le championnat, mais ouvre la porte à la deuxième partie de la saison. Privés de leur zoulou warrior, le XV devra redoubler d’efforts pour présenter une équipe unie et disciplinée aux prochaines échéances : le match contre l’Edhec le 28 février, qui décidera de sa qualification pour le prestigieux final 4, et les prochains OJO, autant de tournois auréolés de gloire où notre humble équipe est encore acceptée (cc le top 8).
Ps : Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour célébrer tous ces travailleurs de l’ombre que l’on oublie trop souvent : merci donc à Descamps, qui s’y file sur les réceptions, à Rémi et ses arrachages, bref tous ces avants qui passent plus de temps la tête dans la boue que dans l’embut. Vous ne brillez pas par vos courses, vous ne serez jamais cités dans les live tweets, mais You da real MVP’s.