Une équipe de rugby, c’est 15 frères, pas 15 cousins

Par Quentin Predignac

28/02/16 : XV ESCP 25 – 5 EDHEC


Dans le monde du ballon ovale, certaines rencontres sont destinées à rester ancrées dans les mémoires. Tout le monde se souvient du drop légendaire de Wilkinson dans les dernières secondes de la coupe du monde de 2003, qui offrit à l’Angleterre son titre de championne, et à celui-ci celui de « Sir ». De même, la victoire d’un XV tricolore en passe de devenir « la Roumanie du rugby international » selon l’expression de son capitaine Raphaël Ibanez, face aux All Blacks en demi de la coupe du monde 1999, reste une des rencontres les plus célèbres de tous les temps. Le match de dimanche dernier qui opposait le XV ESCP à la fine fleur de la consanguinité nordique… n’est pas de ces matchs là. C’est sans surprise que les Zoulous Warriors, fort d’un retour important de césures et 3A en tous genres, a écrasé l’équipe de l’EDHEC, qui décidemment devrait se contenter d’organiser des évènements sportifs sans avoir la prétention d’en être acteur.

 

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Nous avions en effet la chance de jouer « à la maison » (entendre ici à moins de deux heures de Paris intra-muros), permettant à des flots entiers de supporters en délire de venir soutenir l’équipe. En capitaine exemplaire, Descamps avaient fait le tour de tous les stades de Région parisienne le jour même pour s’assurer que le notre offrait des conditions optimales. Calou, meneur d’hommes avisé, conscient que les individualités ne font pas une équipe, avaient convoqué ses joueurs pas moins de 10h avant le match pour un entrainement « team-building » dans 10cm de boue gelée. L’excuse de faire de la « mise en place » n’a d’ailleurs trompé personne : ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace, et encore moins à Jean Romatet, qui fêtait sa 148ème sélection, à faire une Mouette, aussi bis soit-elle. Nous tenons d’ailleurs à le féliciter pour sa longévité, ainsi que celle de Romain Boni qui jouait son 5eme match de jubilé, ayant promis de raccrocher plus de fois encore que Johnny Hallyday et Eddy Mitchell réunis.
A l’heure du coup d’envoi, le XV s’avance, « confiant mais sans arrogance » aux dires de son capitaine, alors que les remplaçants regagnent le banc, sûrs et impatients de faire bientôt leurs preuves « sur le terrain ». C’est donc sans surprise que 5 minutes après le coup d’envoi, l’équipe marque son premier essai sur un beau ballon porté, habilement (étrangement ?) transformé par Paul O’Cucu. Les recommandations des capitaines (« ya 0-0 les gars !) n’y font rien, la redoutable ligne de trois quarts grise l’équipe, et les coups champagnes se succèdent de plus en plus, au grand dam de Calou qui n’y comprend plus rien : « Chaaaaaaarles, on pète les plombs ! ». Cependant, Cyprien finit par conclure en donnant une belle leçon de French Flair aux ch’tis, amenant l’Escp au score de 12 à 0. L’impuissance de Cucu, à passer les pénalités et les transformations j’entends, le pousse à choisir plutôt des mêlées, désobéissant de fait aux ordres de Calou pourtant décidé à venir les taper lui-même. Pendant ce temps, le banc chauffe toujours. En seconde période, alors que les remplaçants font une démonstration de l’étendue de leurs connaissances en terme d’échauffement, Grégoire Sarton décide de faire mentir la tradition qui veut qu’une mouette bis ne marque jamais, pose au moins six culs, fait une course de près de 60m après 5 feintes de passe, avant de planter son essai en salto (dans le public abasourdi, seul le « ta gueule Sarton » lancé par El Baduel vient rompre le silence). Malgré de nombreuses fautes concédées, le XV ESCP rempile un essai sur maul, transformé par Foulon Lenormand, s’accordant le score confortable de 25 à 0. Au moment où les remplaçants commencent à se demander s’ils n’auraient pas plus de chance de jouer en proposant leurs services à l’EDHEC, Calou se rappelle de leur présence à 10 minutes de la fin, et décide de leur donner leur chance. Peut être n’aurait il pas dû, car l’EDHEC profite du désemparement des nouveaux joueurs, désorientés de voir le jeu d’autre part que du bord de terrain, pour marquer un essai en contre, concluant avec un sursaut d’honneur cette rencontre sur le score de 25 à 5. Magnanime, Calou se confie dans les vestiaires : « C’est pratique ce système de joueurs en plus quand ceux sur le terrain sont fatigués, j’y penserai la prochaine fois ! ».
Voila qui amène nos Zoulous Warriors à un match seulement du très convoité « Faïneul For », graal de toutes les écoles de commerce. Tout porte cependant à croire qu’ils auront à affronter là-bas plus forte opposition que ce que n’a montré dimanche le XV de l’EDHEC, malgré leur n°7, dit le Rabold sportif. Car si le rugby est une grande famille, ne voyons pas cette expression pour autre chose qu’elle est, et à l’instar de nos voisins nordiques, ne cherchons pas à faire de notre équipe une vraie famille.