“Je suis vraiment désolée pour votre débat”

Par Tanguy Chapin

« Je suis vraiment désolée pour votre débat ». Cette courte phrase, sûrement sincère, elle m’a été adressée par une jeune participante du mouvement Nuit Debout.

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Crédits Photo : Le Figaro

Avec un petit cortège arrivant de République, les membres de la récente initiative citoyenne prirent position devant l’entrée de l’ESCP, y jetant alors près de 200 kilos de sable, de nombreuses liasses de faux billets et installant plusieurs transats sous le chaleureux soleil parisien. Quelques poubelles furent également utilisées pour bloquer les entrées adjacentes. Objectif de la manœuvre : dénoncer l’implication du Front National dans l’affaire des « Panama Papers ».

Après de longues minutes d’attente, la sentence tomba, parfaitement limpide : devant l’agitation régnant au 79 avenue de la République, Florian Philippot ne viendra pas, l’événement est annulé.
Chose peu banale lors d’un rendez-vous Tribunes, les médias étaient présents en nombre : Le Figaro, Le Point, BFM TV, I-Télé, Le Grand Journal. Ils filmèrent d’abord l’opération coup de poing et s’attardèrent ensuite sur différents échanges liant des membres de Nuit Debout et des étudiants de l’école.

Le dialogue devint intéressant lorsque les différents protagonistes parvinrent à dépasser les artificiels et tristes clichés les séparant et à réfléchir ensemble, selon un prisme nouveau, né des précisions apportées par chacun et auparavant oubliées.

Depuis plusieurs jours, nous avions œuvré afin de construire une argumentation et une dialectique diamétralement opposées à celles de Florian Philippot et de son parti, dans l’optique de mettre le dirigeant frontiste en face de ses contradictions. Quel était le nombre d’élèves au fait de la fonction occupée par son frère, Damien Philippot, actuel directeur des études politiques de l’Ifop ?

Nuit Debout prône le dialogue, incite à l’échange, rappelle la force des idées, refuse de voir la pensée unique effacer la riche mosaïque des visions variées. C’est pourtant son Némésis qu’elle venait de servir et reproduire au cœur du 11ème arrondissement.

Notre opposition avec Florian Philippot sur les questions politiques, économiques et internationales ? Annihilée au profit d’une action dénonçant, à juste titre, les maux d’un monde politique suranné. Mais cette intervention a empêché la confrontation tant attendue de convictions opposées. Est-il impossible de dénoncer sans interdire aux uns et aux autres d’exprimer leurs divers points de vue ?

Cela demeure on ne peut plus regrettable et condamnable. Tribunes ESCP comptait apporter un éclairage réfléchi sur ce sujet extrêmement complexe, profondément sensible. Sa voix lui a été, le temps et l’espace d’un débat, confisquée.

Une des personnes de Nuit Debout me rappela, fort justement, que « la communication, c’est la mise en commun ». Ce partage, Tribunes ESCP continuera à le faire vivre lors de ses prochaines conférences. Nous n’avons aucun doute sur la capacité du mouvement Nuit Debout à favoriser l’échange et la réciprocité dans le débat public. Cette prise en compte de l’autre a malheureusement été omise tout à l’heure.

Mais ce n’est pas une raison pour entrer dans le conflit primaire. Au contraire, nous adorerons toujours la sinueuse et sibylline vérité autant que nous abhorrerons les stéréotypes complaisants. Je ne commenterai pas la triste action d’un des membres de Nuit Debout qui bouscula violemment une de mes camarades, je refuserai de répondre à celui qui me catalogua comme étant « un égoïste de plus en costard-cravate ». Ces errements idéologiques ne font que desservir la mise en place d’une synergie citoyenne efficace et sereine.

En revanche, avec Tribunes ESCP, nous serons toujours prêts à débattre, à entretenir la flamme décidée contre la flemme des idées, à mettre des mots sur les maux. Ce qui a eu lieu en ce mardi 19 avril ne doit pas nous faire sombrer dans l’idéologie rance et simpliste, dans de la division grossière, mais doit rappeler à tous le respect de la parole de chacun. Le dialogue demeure la plus puissante de nos forces. L’aveuglement, le plus grand de nos vices.